Publié à Haïti Observateur du 26 Fev. 2018
Regard de la Fenêtre
Une politique étrangère américaine sur mesure
Par Michelle Mevs
Depuis le 23 Janvier 2019, le Venezuela a deux présidents controversés: Nicolás Maduro le socialiste, chaviste, anti-gringo, et Juan Guaidó le président du parlement vénézuélien..
Juan Guaidó s'auto-déclarant président par intérim et le voilà promu et reconnu par le président américain Donald Trump. Il est également agrée par la OEA, par l'U.N., par La France, par l'alliance dénommé Groupe de Lima constitué de 13 pays d´Amérique latine avec le Canada. Mais encore, par les pays sous la bannière de l'extrême droite tels le Brésil de Jair Bolsonaro l'Argentine de Mauricio Macri et le Pérou de Martín Vizcarra. Il a même été imposé au peuple haïtien mécontent de cette reconnaissance par le président décrié d'Haïti Jovenel Moïse.
Les Etats-Unis d'Amérique ayant avec ce dossier Venezuela, à portée de main, un succes story potentiel, -puisque sa situation économique y est en chute libre- Ils en ont fait leur proie. Par contre, d'autres nations comme l'Arabie Saoudite et la Russie bénéficient d´une grande bienveillance de la part du Département d'Etat Américain.
En Haïti on a coutume de dire que tous les doigts de la main ne sont pas égaux pour l'utilité qu'ils peuvent avoir. Il en serait de même pour le Venezuela comparé à Haïti. Du point de vue des Etats-Unis d'Amérique et en réalité, le Venezuela a grande importance. Elle renferme la deuxième réserve pétrolière au monde, ce qu´ Haïti n'est pas.
Si ces deux nations sont également en crise humanitaire, que leurs peuples respectifs souffre de misère, manquant de tout, expriment leurs frustrations au quotidien, le Venezuela est au bord du gouffre et pour Haïti c'est carrément pire! On aura néanmoins compris concrètement dans les faits, que la politique extérieure des Etats-Unis d'Amérique, vis à vis de ces deux pays n'est aucunement similaire.
L'une des raisons sous-jacentes de ce traitement différent concerne les intérêts à engranger par les Etats-Unis. Il s'agit de récupération de richesse pétrolière en perspective à l'encontre de la prise en charge d'une forte population haïtienne agonisante!
En ce sens les Etats-Unis d´Amérique poursuivant la politique anti-conformiste, populiste et illibéral du président Donald Trump, l'homme d'affaire spécialiste en deals, au slogan nationaliste America First (quand les intérêts américains priment sur celle de toute autre nation ou entité), voguent sur une ligne de politique étrangère et diplomatique non-orthodoxe.
Politique qu'il faut chercher à décrypter. Il en va de l´avenir d´Haiti.
Mais il y a également un fait évident a prendre en considération. Les motifs qui la sous-tendent ne sont pas nécessairement basés sur des principes moraux, sur les droits de l'homme ou sur le système démocratique mais se situe en rapport majoritaire avec des intérêts économiques, des promesses de campagne de Donald Trump, des effets de rupture de système pour satisfaire l'électorat à travers une communication infox ou sensationnaliste.
Tout ceci en vue d'un renouvellement de mandat du président américain en 2020. Donald Trump cherche déjà à capter l´atout électoral qu'est la communauté latino, ce réservoir potentiel de 400 000 vénézuéliens et tout autres latinos vivant aux USA et en majorité en Floride...On connaît l'importance du scrutin de la Floride.
Faisons référence pour commencer à la fameuse doctrine Monroe de 1823, ce principe constant de l'histoire politique américaine du XXème siècle qui prône encore à ce jour l'Amérique aux américains et l'Europe aux européens...créant ainsi une zone d´influence sous mainmise exclusive américaine. Le Vénézuela comme Haïti sont géographiquement de la sphère américaine.
la stabilité, le management de la région, son marché, reviennent aux Etats-Unis d'Amérique. La migration vénézuélienne de 10% de sa population vers les pays avoisinants tel que la Colombie perturbe énormément.
2000 immigrants vénézuéliens au quotidien en font leur pays d'adoption. Un tel fardeau, facteur d'inquiétude risque de troubler l'ordre régional. De sorte qu'elle met en lumière la ligue anti-Maduro que représente l'Alliance de Lima et l´opposition de bien d'autres pays au régime chaviste. Ces nations sont particulièrement concernés par leur futur propre et leurs intérêts nationaux d´autant plus que les Etats-Unis d'Amérique sont un partenaire incontournable....
En ce qui concerne Haïti.
Les Etats-Unis de Trump y appliquent le principe ideólogique isolationniste (ne pas intervenir militairement en Haïti), illibérale… (prendre pour Haïti des décisions unilatérales et en exiger l'acceptation par des voies détournées).
Basée sur de multiples critères évolutifs encore à définir au plus près, la politique américaine par rapport à Haïti est intransigeante et sans appel.
Nous l'avons constaté récemment durant la crise-haïtienne du lock-pays (pays en grêve et fermé pendant 10 jours la semaine dernière); mais, crise non-résolue malgré la reprise partielle des activités locales.
Il faut savoir que le président républicain Donald Trump ne modifiera pas son style. Il est tout simplement imprévisible, en rupture avec de nombreux accords et traités classiques. Le Canada comme le Mexique en ont fait l'expérience pour ne citer que ces pays. Trump est foncièrement nationaliste.
En Haïti, alors que la population haïtienne dans sa majorité n'a de cesse de réclamer dans la rue sur le béton, dans la presse radio et écrite, sur les réseaux sociaux, la démission du président haïtien Jovenel Moïse depuis le 7 Février pour sa mauvaise gestion, pour allégations de corruption et l'inflation galopante qui y sévit: Les Etats-Unis ne la considère pas Haïti comme la priorité, la crise humanitaire qui y sévit.
La réponse américaine adressée à Haïti et à sa crise aiguë est claire et limpide comme celle du Core Group travaillant en tandem sous rubrique de la doctrine Monroe: Le dialogue et les élections sont les seules critères démocratiques à exercer en Haïti. Il n'y a rien d'autres qui puisse satisfaire ni les Etats-Unis d'Amérique, ni la communauté internationale.
A noter que la situation s'est compliquée en Haïti quand le FMI imposait à Jovenel Moïse de ne plus subventionner le prix de l'essence à la pompe provoquant en Haïti à partir du 7 Juillet 2018, les débuts d'une sanglante révolte populaire qui s'étalera sur les mois suivants jusqu'à l'accalmie de fin de semaine dernière.
Déjà que la population était en colère contre ses dirigeants. Le rapport de corruption PetroCaribe épinglant le président Jovenel Moïse et des membres proéminents du parti allié: le PHTK etc.... Le dossier contenant de fortes suspicions de fraude, la dilapidation de fonds d´aide à l'investissement octroyés justement par le Venezuela à Haïti demeurent lettre-morte auprès de la présidence, La population réclamait à hauts-cris que justice soit rendue que l'argent volé soit récupéré.
Une publication du Figaro nous éclaire quant à la dualité de la politique de Trump sur deux pôles: «...Il y a, ... deux facettes dans cette position originelle du trump-isme. D'un côté, une «vraie conviction» que les États-Unis n'ont pas «vocation à intervenir partout dans le monde» ; de l'autre, la volonté de «cocher chaque case des promesses de campagne».
Aux commandes, il y a Donald Trump.
Trump pratique en effet un Trump-isme à dimension électorale souhaitant exécuter ses promesses de campagne, tout en assurant sa réélection, mais en même temps pratiquant de préférence le non-interventionnisme parce que le mode interventionniste coûte trop cher au pays avait-il déclaré à la presse.
Cependant dans le cas Vénézuélien il menace, comme à son habitude. Toutes les options sont sur la table répète-t-il . Autrement dit, une intervention de troupes américaines sur le territoire Vénézuélien serait envisageable.
Dans le même temps, un faucon de l'ère de George W. Bush.
John Bolton, 77 ans, vétéran de l'administration américaine, nommé par Trump, conseiller à la Sécurité nationale, mène le jeu en politique étrangère. Néo-Conservateur connu au sein de l'administration américaine comme un «va-t-en-guerre, farouche partisan de la guerre en Irak. Son idéologie personnelle favorise le protectionnisme en matière économique. Il déclarait que l'hémisphère américain ne pouvait accepter le régime socialiste de Nicolas Maduro. Petit rappel: Bolton est un personnage qui pèse lourd et au passé entaché de suspicion. Il fut un temps accusé de fomenter sous couvert d'actions humanitaires des opérations de déstabilisation en Amérique latin et en Macédoine etc...
Si Trump est un négociateur qui excelle en menaces le bâton et la carotte, et en changement constant de cap; par contre John Bolton lui est connu pour être un "va-t-en-guerre", et donc partisan de guerre préventive également : C'est dire le danger qui menace militairement le Venezuela actuellement.
Et concernant Haïti, les réseaux sociaux rapporte que le Ministre des Affaires Étrangère eut à le visiter lors de la surchauffe de la crise haïtienne sans que le contenu de la visite ait été rapporté par voie de presse. Un manquement causant de fortes suspicions localement dans le public envers le Département des Affaires Étrangères haïtien au service aveugle du président Jovenel Moïse.
En ce qui concerne le Venezuela, Les séquence du scénario s'articulent comme suit :
Washington à contre-courant de ce qui fut déclaré par rapport à la situation en Haïti, reconnaissait d'emblé, un président defacto: Juan Guaidó. Un non élu démocratiquement mais qui parlementaire élu, servirait d'élément de nuisance en confrontant le président Maduro pour l'éjecter du pouvoir.
Washington en mode ingérence menait à bien la reconnaissance de la légitimité de Juan Guaidó dans le monde, et forcément celui-ci remplacerait ou envahissait militairement le Venezuela.
Maduro, cette bête noire de Trump, comme Hugo Chavez dont il est l'héritier refuse de reconnaître l'hégémonie américaine sur son territoire. C'était en 1998 que Hugo Chavez commençait la nationalisation des investissements des compagnies pétrolières américaines etc... Les Etats-Unis ont été les premiers importateurs de pétrol brut jusqu'à ce que les relations s'effritent. Rappelons que Georges Bush eut à organiser un coup d'état contre Hugo Chavez qui fut détrôné durant deux jours.
A continuation, les Etats-Unis d´Obama et de Trump imposeront de lourdes sanctions économiques et entreprirent des mesures d´embargo financière sur les exportations du Venezuela et sur les avoirs des barons du régime chaviste.
Généreux, Washington enverra de l'aide humanitaire aux frontières Venezuela-Colombie (la carotte) pour renforcer le pouvoir du président de facto dont le gouvernement de Trump a fait son cheval de bataille contre Maduro.
Nous apprenons par les réseaux sociaux que L'aide humanitaire de la USAID n'a pu atteindre la population vénézuélienne le 25 Février. Maduro s'en est assuré, brûlant et menaçant sachant que cette cargaison conduirait à sa perte. Un intervention militaire est actuellement en discussion et Mike Pence, le vice-président américain s'en occupe au nom du président Trump.
En conclusion, ils seraient nombreux à crier: deux poids deux mesures! A situation égales, mesures distinctes. Nous reprenons les desideratas du puissant voisin: Haïti devrait garder le status quo jusqu'aux prochaines élections de 2020 selon Washington tandis que le Venezuela devrait rejeter à tout prix Nicolas Maduro et dont les dernière élections de 2018 n'étaient pas acceptées!
Mais, en définitif, pour Trump et Bolton, peu importe ce que pense l'opinion publique ou le monde en son entier... De sorte que pas la peine de rationaliser outre mesure les décisions du président de la plus grande puissance mondiale. La raison du plus fort étant toujours la meilleure. Donald Trump est le décideur en chef, du moins dans cette partie du monde, l'hémisphère américain .
Approche pour Haïti
L’apparition d'une nouvelle réalité idéologique: économique, politique et diplomatique aux Etats-Unis depuis 2016 et Trump au pouvoir, suscite une attention soutenue et une prise de conscience en même temps d´ une capacité d'évaluation hors-du-commun de la part des dirigeants de l´ Haïti-en-crise.
Si Haïti dépend de l'aide américaine pour sa survie et des institutions internationales sous influence américaine, ne serait-il pas utile de suivre de près les tendances de la politique étrangère américaine? De les évaluer correctement!
Il est connue historiquement qu'en diplomatie étrangère, l'ouverture au monde ou l´interventionnisme extérieure oscille dans le temps en pendulum avec une prise de position idéologique isolationniste.
Actuellement les décisions américaines en matière de politique étrangère représentent un mixte dont la complexité remontent à la personnalité de Donald Trump.
Pour mieux comprendre les raisons sous-jacentes de cet aller - retour de l'idéologie américaine en politique étrangère, disons «qu'elle repose sur le système politique américain. Ces allers-retours entre ouverture vers l’international et repli sur soi traduisent le plus souvent les rapports difficiles qui existent aux États-Unis entre pouvoirs exécutif et législatif. Ils sont le plus souvent le fait de présidents américains soucieux de donner à leur pays un rôle majeur dans les affaires du monde, en accord avec sa puissance et son influence réelles, mais confrontés à un Congrès qui résiste à leurs ardeurs et les freine.»
A titre d'exemple sur le clivage qui illustre la politique Trump. Le président américain déclarait qu'il souhaitait que les États-Unis retirent leurs forces de Syrie. Une décision qui pourrait traduire une volonté d'«isolationnisme».
Par contre, le commandant en chef des armées américaines pourrait entreprendre incessamment une descente militaire au Venezuela «interventionnisme».
Rappelons également que «Le candidat antisystème en a fait l'un de ses arguments de campagne en critiquant l'interventionnisme d'Hillary Clinton, secrétaire d'État en 2011 lors de la guerre en Libye et la chute de Mouammar Kadhafi.»
Donald Trump produit cette politique chaotique dénoncée en permanence par la presse américaine comme internationale et qui ne cesse de surprendre aux Etats-Unis comme ailleurs de par le monde.
Sa caractéristique essentielle en affaires étrangères c´est qu´elle fait fi des engagements antérieurs de son pays et privilège de nouvelles alliances renégociées en faveur des américains. Le président Trump mène les enchères sans ambage, et en contrepartie il apparaît crucial à tout pays de re-négocier -bilatéralement seulement- de nouveaux accords. Si non pas de salut! D´ailleurs la communauté internationale en est réduite à faire contre mauvaise fortune bon gré. Angela Merkel en a pris conscience, de même qu´Emmanuel Macron pour ne citer que ceux-la. Xi Jinping est en pleine négociation avec Trump sur le commerce international.
Sous l'égide de Trump, les alliances anciennes sont remises en cause. Le passé est échu.
Si Haïti croit encore que les Etats-Unis ne peuvent l'abandonner à son sort parce qu'Haïti se trouve dans la sphère géopolitique américaine (autrefois on disait dans l'arrière-cour des américains) ou parce qu'Haïti est un allié et par conséquent devrait jouir d´une aide à la démocratie et d'une assistance humanitaire du gouvernement américain: il se peut bien que nos dirigeants trop naïfs peut-être , soient bercés d'illusions et nostalgiques des temps révolus.
L´idéologie d´une Amérique agissant selon toute logique et en toute amitié, en collaboration avec Haïti, serait périmée compte tenu d´un nouveau mode de décision d'un Président américain atypique mais dont on connaît toutefois, les obsessions et le mode de fonctionnement erratique..
Les analystes politique écrivent ceci:
« La personne désormais chargée de la politique étrangère américaine privilégie la concurrence plutôt que la coopération, le protectionnisme plutôt que le libre-échange, l'autoritarisme plutôt que la démocratie.»
Cairn traitant de la question de ce que la politique étrangère américaine réserve au monde à venir et nous citons: « ... savoir si l’on n’assiste pas à un tournant de la diplomatie américaine, prémisse d’un mouvement de fond qui va progressivement bouleverser l’ordre international...et faire apparaître un nouveau monde « post-américain », lourd de menaces et de déséquilibres.» D'où l'inquiétude mondiale par rapport aux tendances de la diplomatie sur mesure de Donald Trump...»
Autrefois quand tout était moins trouble en politique américaine on pouvait écrire: « ...En fournissant des biens publics internationaux tels que la sécurité mondiale et régionale, la liberté des biens communs et un système commercial libéral, les États-Unis avaient créé ce qui constituait, de tout point de vue historique, un environnement mondial stable et bienfaisant. Et puis, bienfait et développement. De 1989 à 2016, le produit mondial a plus que triplé. Le niveau de vie est monté en flèche. Plus d'un milliard de personnes ont été sorties de la pauvreté. La mortalité infantile a chuté. Les nouvelles technologies améliorent continuellement la vie quotidienne et connectent les gens de manière extraordinaire.»
MM
fin
«La Doctrine Monroe: le Président James Monroe énonçait en 1823 la « doctrine » portant son nom à savoir que la neutralité des Etats-Unis à l'égard des Puissances européennes devait avoir pour contrepartie la non-intervention de celles-ci dans les affaires du continent américain : (Source cles des langues)
L'isolationnisme est une tendance de la politique étrangère des États-Unis pour une intervention minimale dans les affaires du monde. Il a longtemps été l'un des fondements de la politique étrangère des États-Unis, érigé en doctrine par le président James Monroe en 1823. Il a été historiquement défendu par les deux franges de l’échiquier politique américain, mais il a été mis à mal aux xxe et xxie siècles. (wikipédia)
L´interventionnisme: Doctrine qui préconise l'intervention de l'État dans le domaine économique. En Politique d'intervention d'une nation dans les affaires internationales, dans un conflit où elle n'est pas impliquée.