mercredi 15 février 2017

À genoux face au Parlement Jovenel Moïse se prépare à renoncer à ses droits constitutionnels


Jovenel Moise laisse le Palais national en compagnie de quelques visiteurs.

À GENOUX FACE AU PARLEMENT

Jovenel Moïse se prépare à renoncer à ses droits constitutionnels

Le sénateur Antonio Cheramy craint que Trump ne vienne le ramasser

PORT-AU-PRINCE, 14 février —Moins d’une semaine après sa prestation de serment, le 58e « président » d’Haïti est déjà en difficulté, s’il faut comprendre sa lenteur à designer un Premier ministre, afin de combler le vide laissé par la démission du titulaire du poste au sein de l’ex-gouvernement de transition de Jocelerme Privert. Apparemment, le temps imparti entre la proclamation des résultats et sa prestation de serment aurait été insuffisant, même si, curieusement, il a recasé des anciens fonctionnaires de l’ère Martelly à des postes importants au Palais national. Entre temps, la valse des négociations se poursuit en vue du choix d’un chef de gouvernement. Sur ce chemin hasardeux, plusieurs noms circulent dans les milieux politiques, au point où l’on parle d’un canapé, en guise d’un fauteuil pour le prochain occupant de la primature.

Dr Réginald Boulos
Le Premier ministre sera choisi pour éviter la prison à un « président » au banc des accusés

A travers le pays, l’événement de l’année reste et demeure les déboires du citoyen Jovenel Moïse, président « élu », qui accède à la suprême magistrature de l’État, quoique des faits l’incriminent dans des manœuvres financières douteuses. Dernier né parmi les multimillionnaires haïtiens, il se répète dans le milieu que jamais on n’a vu un millionnaire lui faudra-t-il pour prendre de l‘embonpoint.

Constitutionnellement, la procédure pour la nomination d’un Premier ministre est tout à fait claire et a été mise à l’épreuve dans maintes circonstances. Sauf qu’il s’agit aujourd’hui d’un cas de l’espèce. L’actuel occupant du Palais national doit, non seulement transiger avec tous les intérêts qui l’ont porté au pouvoir, notamment les milieux d’affaires, mafieux et politiques, qui ont supporté son élection à grands coups de millions, mais encore et surtout les parlementaires qui jouent donnant-donnant. Il s’agit d’un jeu dangereux où il risque de perdre le pouvoir, ou tout au moins d’atterrir au Pénitencier national.

Seńateur Youri Latortue
Dans cette bataille où tout est perdu à l’avance, s’il s’agissait d’un contexte où prime la loi, les tractations vont bon train. Le paysage politique haïtien étant surtout dominé par des gens sans aucun scrupule, quand il s’agit de soutirer des millions même de provenance douteuse, il doit magouiller, voire pactiser avec le diable pour sauver sa peau. De manière unanime, on croit que Jovenel Moïse est coupable des crimes financiers divulgués dans le long rapport de l’UCREF. Une affaire qui va tellement loin que le sénateur Antonio Cheramy (Don Kato) n’est pas allé par quatre chemins pour expliquer qu’il « préférerait que la justice haïtienne fasse son devoir plutôt que le prévenu Jovenel Moïse se fasse cueillir par le président Donald Trump » (« M pa ta renmen ke se prezidan Trump ki vin ranmase l isit la », a-t-il martelé sur les ondes d’une station de radio. Donc, le président Moïse serait actuellement en sursis, en attendant le verdict final qui le mettrait dans les liens de la justice pour de nombreuses années. Pourtant, il s’active à visiter des fermes, à rencontrer Miss World et à rouler sa bosse à travers la capitale afin de feindre son innocence.

Comment sortir de l’engrenage de députés et sénateurs véreux ?

Le député ́Cholzer Chancy
Dans ce pays de magouilleurs, une seule et unique solution s’offre à lui, mais tarde malheureusement à venir. Dans les milieux décisionnels, il reste acquis que le prochain Premier ministre sortirait d’un accord historique entre le président affaibli et les deux Chambres. Réunies en assemblée nationale érigée en Haute Cour de justice, celles-ci sont habilitées à le juger avant une destitution plus que probable dans le cas où députés et sénateurs remplissent leur rôle de garants de leurs devoirs citoyens. Pour éviter une page horrible à la nation, le nom du président de la Chambre basse, le député Cholzer Chancy, circule parmi les plus probables des Premiers ministres pressentis. Mais il souffre de l’handicap sérieux de ne pouvoir être juge et partie à la fois, en sus d’être propriétaire d’un établissement hôtelier et d’autres installations évaluées à des millions, dont on ignore la provenance de cette subite fortune. Mais, il aurait vraisemblablement l’appui non équivoque de ses pairs parlementaires des deux Chambres confondues. Le nouveau Premier ministre devra toutefois laisser au fond des tiroirs quelque reforme que ce soit et protéger les acquis réalisés par le secteur des « affaires » pendant le quinquennat Martelly.

Moïse Jean-Charles vient hanter le deuxième pouvoir rose

Mois̈e Jean-Charles
Après avoir dominé la scène politique pendant le quinquennat de l’ex-président Martelly, l’ex-sénateur du nord, Moïse Jean-Charles, a trouvé un autre cheval de bataille pour rester à l’avant-scène sociopolitique. Il s’est constitué partie civile dans le dossier UCREF/Jovenel Moïse. On a tenté de le discréditer en faisant courir le bruit que sa course à la présidence était financée par le puissant Réginald Boulos, homme d’affaires proche de l’ambassade américaine de Port-au-Prince. Mais, « prekosyion pa kapon », il avait eu l’astuce de réclamer la comparution de ce concessionnaire automobile qui aurait vendu, espèces sonnantes, des mastodontes à Nèg bannan nan. Toujours populaire auprès des humbles et des nécessiteux, qui l’avaient porté en troisième position aux élections frauduleuses 2015-2016, il est présentement l’un des plus farouches adversaires du nouveau président. Très prolifique, quand il s’agit de parler de corruption, il ne cesse de répéter que « Jovenel renmen dola ».

Talonné par Moïse Jean-Charles et le rapport de l’UCREF, le « président » Moïse n’a pas les coudées franches pour être maître de ses moyens et gouverner dans les normes constitutionnelles les destinées du pays. Dans le cas plus que probable d’une entente pour partager le pouvoir avec le Parlement et éviter la prison du même coup, il abdiquerait tout simplement son ascendance présumée sur la présidence. Et dans une telle éventualité, le principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs ne sera que vain mot.

Source : H.O.

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