mercredi 12 avril 2017

Jovenel Moïse peut-il surmonter les mauvaises habitudes ?


TRAFIC DE DROGUE ET BLANCHIMENT D’ARGENT

Jovenel Moïse peut-il surmonter les mauvaises habitudes?

Jovenel Moïse apres̀ la proclamation de sa victoire par le CEP
Le nouveau président haïtien, qui a pris logement au Palais national, depuis le 7 février 2017, traînant une inculpation criminelle comme un boulet à ses pieds, reste prisonnier de ses habitudes. Son acoquinement avec des gens de réputation douteuse le met en mauvaise posture par rapport aux milieux internationaux traditionnellement pourvoyeurs de millions aux administrations haïtiennes en panne de ressources. Aussi, coincé se voit-il acculé à se tourner vers des amis pour le dépanner, histoire de le tirer d’un mauvais pas, soit le besoin de plus d’une centaine de millions de gourdes. Les faits entourant cet incident aideront à mieux comprendre les motifs derrière le choix de personnes en porte à faux avec la justice pour occuper de hautes fonctions dans l’administration publique.

En effet, l’opinion publique s’arrête surtout sur le cas de Magalie Habitant, qui a été nommée au poste de directrice du Service métropolitain de collecte des résidus solides (SMCRS). Presque immédiatement après la nomination de celle-ci à cette haute fonction, Jovenel Moïse, qui voulait « apaiser la rue » dont certaines franges commençaient déjà à s’agiter contre lui, avait fait la requête d’une somme de 100 millions de gourdes auprès d’elle. On rapporte, dans le monde des banquiers locaux, qu’elle lui a versé USD 100 000. Il semble que la nouvelle directrice du SMCRS soit encore plus ponctuelle et rapide que même le ministre des Finances.

Pourquoi Magalie Habitant ?

Magalie Habitant, à droite, en tenue bleue claire, fait une démonstration publicitaire

Sur ces entrefaites, d’aucuns se demandent (et pour cause !) pourquoi le président s’est-il adressé à Mme Habitant parmi toutes ces personnes qui gravitent autour de lui ? De toute évidence, il savait que cette femme avait beaucoup d’argent en liquide en sa résidence, ou bien se trouvant en un lieu qui le rend facilement disponible, sans éveiller le soupçon de gens mal intentionné. Mais Moïse s’est tourné vers Magalie Habitant surtout parce qu’il a l’habitude de s’adresser à lui pour le dépanner.

Des PHTKistes aujourd’hui en rébellion contre Jovenel Moïse, don't ils critiquent l’« ingratitude», ont expliqué que la présente directrice du SMCRS finançait la campagne présidentielle de ce dernier, et que, tout au long de cette période, elle était la seule personne qui pouvait livrer des centaines de milliers de gourdes « dans le plus bref délai ». Pour avoir fait cette expérience auprès d’elle à plusieurs reprises, le président était certain qu’il pouvait trouver cette somme chez Habitant sans exposer ses secrets à l’indiscrétion de certaines personnes qui ne cessent de « fouiner dans ses affaires », cherchant à faire éclater des scandales à son sujet.

Qui se ressemble s’assemble

Même avant les dernières élections dont les résultats rendus par le Conseil électoral provisoire (CEP) de Léopold Berlanger ont donné la victoire à Jovenel Moïse, son nom était toujours lié à des personnes qui avaient une très mauvaise presse. On se rappelle comment il était assimilé à ce quatuor composé d’Evinx Daniel, Michel Martelly, Guy Philippe et lui-même. Bien qu’il fût, au prime abord, plutôt l’associé en affaire de Daniel, à Agritrans, disait-on, à la mort de ce dernier il devint le pote du président-musicien qui à son tour, avait fait de lui son associé. Aussi, faisant référence à ces quatre hommes, les observateurs déclaraient-ils qui se ressemble s’assemble.

Devenu officiellement président de la République, suite à son investiture, le 7 février 2017, Jovenel Moïse n’affiche aucun souci de se comporter en chef d’État, c’est-à-dire à éviter la compagnie de gens à mauvaise réputation qu’il fréquentait. Surtout après ses démêlés avec la justice, dans le cadre de son inculpation pour blanchiment d’argent. Car la fréquentation de telles personnes l’assimile à ce monde dont il aurait tout intérêt à éviter la compagnie.

Les observateurs, qui entretenaient une telle opinion à l’égard de M. Moïse déclarent qu’il est bizarre de constater à quel point le parcours de ces quatre hommes coïncidait. En effet, Guy Philippe est arrêté par la Police haïtienne sur une plainte du gouvernement intérimaire de Jocelerme Privert. Livré aux Américains pour être remis à la justice étasunienne,suite à son inculpation pour trafic de drogue et blanchiment d’argent, par un juge fédéral, il est incarcéré dans une prison fédérale, à Miami, en Floride, attendant son jugement qui doit commencer le 1er mai prochain.

Quant à Jovenel Moïse, il est élu président d’Haïti dans des conditions non élucidées, puis a prêté serment sous le coup d’une inculpation criminelle pour blanchiment d’argent.

En ce qui concerne l’ex-président Michel Martelly, qui a trillé Moïse sur le volet pour être candidat à la présidence du PHTK afin qu’il puisse devenir son successeur, ses démêlés avec la justice américaine n’ont toujours pas été définitivement résolus. Il faut attendre le dernier chapitre de cette saga.

Le quatrième membre du quatuor, Evinx Daniel, a disparu, au début de 2015, sans laisser de traces. Dans les milieux mafieux, en Haïti, sa disparition est imputée à l’ami et associé en affaire du disparu. Des gens proches des procureurs fédéraux, à Miami, on apprend que des personnes passant pour être très au courant des affaires judiciaires, au niveau fédéral, ont fait remarquer qu’à la faveur du procès de Guy Philippe, la lumière sera faite sur des affaires sordides et des crimes que la pègre haïtienne s’acharne à garder secrètes.

Faut-il ajouter Magalie Habitant au quatuor ?

Les derniers événements entourant les relations qui existent entre le président Jovenel Moïse et Magalie Habitant incitent à poser la question de savoir s’il n’est pas opportun d’ajouter le nom de celle-ci à ceux de ces quatre hommes. Dans ces conditions, le cas du président ne ferait que s’aggraver. Puisque, la présidente du SMCRS faisant l’objet d’une enquête de l’Unité centrale de référence fiscale (UCREF) se retrouverait dans la même lignée que Jovenel Moïse. Nul ne sait si son dossier, à l’instar de celui du président de la République, le moment venu, ne soit acheminé au commissaire du gouvernement pour les suites que de droit.

En tout cas, en maintenant des relations privilégiées avec une personne signalée par l’Unité de référence fiscale d’être passible d’une enquête criminelle, tandis qu’elle fait l’objet d’une inculpation criminelle, équivaut à faire la nique à la justice, une attitude qui ne sied pas à un chef d’État ayant prêté serment de respecter et de faire respecter la Constitution et les lois du pays.

Dans le meilleur des mondes, M. Moïse devrait afficher le respect des lois, surtout en ce qui concerne le blanchiment d’argent, pendant que les mécanismes de contrôle du système bancaire in ternational ont Haïti dans leurs lunettes et qu’ils s’apprêtent à prendre une décision, pas plus tard que l’année prochaine, afin de decider si oui ou nom il faut sanctionner les banques haïtiennes pour avoir toléré l’injection d’argent sale dans leurs institutions. Lors de la dernière réunion sur la nécessité de protéger le système bancaire international contre l’invasion d’argent contaminé, Haïti (les banques nationales) trouvé victime de ce fléau, le pays s’était vu donner un sursis jusqu’au mois de mai 2017, les autorités politiques ayait pris l’engagement de rectifier le tir en renforçant le système légal régissant la matière.

En clair, l’affaire Jovenel Moïse et le comportement affiché par le président de la République dans ses relations avec des personnes suspectée de commettre ce crime risquent d’attirer sur les banques haïtiennes les foudres des régulateurs du système bancaire international. On sait ce que cela pourrait signifier pour les institutions bancaires haïtiennes.

Entre-temps, Jovenel Moïse prend des mesures qui laissent croire qu’il entend sévir contre ceux qui, en Haïti, militent contre le blanchiment d’argent. Par exemple, au CONALD, organisme national de lutte contre la drogue, il a mis à pied Antoine Atouris qu’il a remplacé par Lener Renaud. À l’UCREF, il se prépare à forcer Sonel Jean-François à la retraite, bien que son mandat le garde en poste pendant au moins encore deux ans. Jean-François est le directeur de cette institution qui, après enquête, avait acheminé son dossier au commissaire du gouvernement pour les suites légales. On attend encore pour voir ce qu’il entend faire avec le directeur général de l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC). Sur ces trois piliers sont montés les mécanismes de contrôle de la lutte contre les stupéfiants et la corruption.

Jovenel Moïse semble se préparer à adapter ces institutions au besoin de le blanchir de toute accusation relative au blanchiment d’argent.

H.O.

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