TRAFIC DE DROGUE ET BLANCHIMENT D’ARGENT
Jovenel Moïse peut-il surmonter
les mauvaises habitudes?
Jovenel Moïse apres̀ la proclamation de sa victoire par le CEP |
Le nouveau président haïtien, qui
a pris logement au Palais national, depuis le 7 février 2017, traînant une inculpation criminelle comme
un boulet à ses pieds, reste prisonnier de ses habitudes. Son acoquinement avec des gens de réputation douteuse le met en mauvaise
posture par rapport aux milieux internationaux traditionnellement
pourvoyeurs de millions aux
administrations haïtiennes en
panne de ressources. Aussi, coincé
se voit-il acculé à se tourner vers
des amis pour le dépanner, histoire de le tirer d’un mauvais pas, soit
le besoin de plus d’une centaine
de millions de gourdes. Les faits
entourant cet incident aideront à
mieux comprendre les motifs derrière le choix de personnes en
porte à faux avec la justice pour
occuper de hautes fonctions dans
l’administration publique.
En effet, l’opinion publique s’arrête surtout sur le cas de Magalie
Habitant, qui a été nommée au
poste de directrice du Service
métropolitain de collecte des résidus solides (SMCRS). Presque
immédiatement après la nomination de celle-ci à cette haute
fonction, Jovenel Moïse, qui voulait « apaiser la rue » dont certaines franges commençaient déjà à
s’agiter contre lui, avait fait la
requête d’une somme de 100 millions de gourdes auprès d’elle. On rapporte, dans le monde des banquiers locaux, qu’elle lui a versé
USD 100 000. Il semble que la
nouvelle directrice du SMCRS
soit encore plus ponctuelle et rapide que même le ministre des
Finances.
Pourquoi
Magalie Habitant ?
Magalie Habitant, à droite, en tenue bleue claire, fait une démonstration publicitaire |
Sur ces entrefaites, d’aucuns se
demandent (et pour cause !) pourquoi le président s’est-il adressé à
Mme Habitant parmi toutes ces
personnes qui gravitent autour de
lui ? De toute évidence, il savait
que cette femme avait beaucoup
d’argent en liquide en sa résidence, ou bien se trouvant en un lieu
qui le rend facilement disponible, sans éveiller le soupçon de gens mal intentionné. Mais Moïse s’est
tourné vers Magalie Habitant surtout parce qu’il a l’habitude de s’adresser à lui pour le dépanner.
Des PHTKistes aujourd’hui
en rébellion contre Jovenel Moïse, don't ils critiquent l’« ingratitude», ont expliqué que la présente directrice du SMCRS finançait la campagne présidentielle de ce dernier, et que, tout au long de cette période, elle était la seule personne qui
pouvait livrer des centaines de
milliers de gourdes « dans le plus
bref délai ». Pour avoir fait cette
expérience auprès d’elle à plusieurs reprises, le président était
certain qu’il pouvait trouver cette
somme chez Habitant sans exposer ses secrets à l’indiscrétion de
certaines personnes qui ne cessent
de « fouiner dans ses affaires », cherchant à faire éclater des scandales à son sujet.
Qui se ressemble
s’assemble
Même avant les dernières élections dont les résultats rendus par
le Conseil électoral provisoire
(CEP) de Léopold Berlanger ont
donné la victoire à Jovenel Moïse, son nom était toujours lié à des
personnes qui avaient une très
mauvaise presse. On se rappelle
comment il était assimilé à ce quatuor composé d’Evinx Daniel, Michel Martelly, Guy Philippe et lui-même. Bien qu’il fût, au prime
abord, plutôt l’associé en affaire
de Daniel, à Agritrans, disait-on, à
la mort de ce dernier il devint le
pote du président-musicien qui à
son tour, avait fait de lui son associé. Aussi, faisant référence à ces
quatre hommes, les observateurs
déclaraient-ils qui se ressemble
s’assemble.
Devenu officiellement président de la République, suite à son
investiture, le 7 février 2017, Jovenel Moïse n’affiche aucun souci de se comporter en chef d’État, c’est-à-dire à éviter la compagnie
de gens à mauvaise réputation
qu’il fréquentait. Surtout après ses
démêlés avec la justice, dans le
cadre de son inculpation pour
blanchiment d’argent. Car la fréquentation de telles personnes l’assimile à ce monde dont il aurait
tout intérêt à éviter la compagnie.
Les observateurs, qui entretenaient une telle opinion à l’égard
de M. Moïse déclarent qu’il est
bizarre de constater à quel point le
parcours de ces quatre hommes
coïncidait. En effet, Guy Philippe
est arrêté par la Police haïtienne
sur une plainte du gouvernement
intérimaire de Jocelerme Privert. Livré aux Américains pour être
remis à la justice étasunienne,suite à son inculpation pour trafic de
drogue et blanchiment d’argent, par un juge fédéral, il est incarcéré
dans une prison fédérale, à Miami, en Floride, attendant son jugement qui doit commencer le 1er
mai prochain.
Quant à Jovenel Moïse, il est
élu président d’Haïti dans des
conditions non élucidées, puis a
prêté serment sous le coup d’une
inculpation criminelle pour blanchiment d’argent.
En ce qui concerne l’ex-président Michel Martelly, qui a trillé
Moïse sur le volet pour être candidat à la présidence du PHTK afin
qu’il puisse devenir son successeur, ses démêlés avec la justice
américaine n’ont toujours pas été
définitivement résolus. Il faut
attendre le dernier chapitre de
cette saga.
Le quatrième membre du quatuor, Evinx Daniel, a disparu, au
début de 2015, sans laisser de traces. Dans les milieux mafieux, en
Haïti, sa disparition est imputée à
l’ami et associé en affaire du disparu. Des gens proches des procureurs fédéraux, à Miami, on apprend que des personnes passant pour être très au courant des affaires judiciaires, au niveau fédéral, ont fait remarquer qu’à la faveur
du procès de Guy Philippe, la
lumière sera faite sur des affaires
sordides et des crimes que la pègre
haïtienne s’acharne à garder
secrètes.
Faut-il ajouter Magalie
Habitant au quatuor ?
Les derniers événements entourant les relations qui existent entre
le président Jovenel Moïse et
Magalie Habitant incitent à poser
la question de savoir s’il n’est pas
opportun d’ajouter le nom de celle-ci à ceux de ces quatre hommes. Dans ces conditions, le cas
du président ne ferait que s’aggraver. Puisque, la présidente du SMCRS faisant l’objet d’une enquête
de l’Unité centrale de référence
fiscale (UCREF) se retrouverait
dans la même lignée que Jovenel
Moïse. Nul ne sait si son dossier, à
l’instar de celui du président de la
République, le moment venu, ne
soit acheminé au commissaire du
gouvernement pour les suites que
de droit.
En tout cas, en maintenant des
relations privilégiées avec une
personne signalée par l’Unité de
référence fiscale d’être passible
d’une enquête criminelle, tandis
qu’elle fait l’objet d’une inculpation criminelle, équivaut à faire la nique à la justice, une attitude qui
ne sied pas à un chef d’État ayant
prêté serment de respecter et de
faire respecter la Constitution et
les lois du pays.
Dans le meilleur des mondes, M. Moïse devrait afficher le
respect des lois, surtout en ce qui
concerne le blanchiment d’argent, pendant que les mécanismes de
contrôle du système bancaire in ternational ont Haïti dans leurs
lunettes et qu’ils s’apprêtent à
prendre une décision, pas plus tard
que l’année prochaine, afin de
decider si oui ou nom il faut sanctionner les banques haïtiennes
pour avoir toléré l’injection d’argent sale dans leurs institutions. Lors de la dernière réunion
sur la nécessité de protéger le système bancaire international contre
l’invasion d’argent contaminé, Haïti (les banques nationales)
trouvé victime de ce fléau, le pays
s’était vu donner un sursis jusqu’au mois de mai 2017, les autorités politiques ayait pris l’engagement de rectifier le tir en renforçant le système légal régissant la
matière.
En clair, l’affaire Jovenel
Moïse et le comportement affiché
par le président de la République
dans ses relations avec des personnes suspectée de commettre ce
crime risquent d’attirer sur les
banques haïtiennes les foudres des
régulateurs du système bancaire
international. On sait ce que cela
pourrait signifier pour les institutions bancaires haïtiennes.
Entre-temps, Jovenel Moïse
prend des mesures qui laissent
croire qu’il entend sévir contre
ceux qui, en Haïti, militent contre
le blanchiment d’argent. Par
exemple, au CONALD, organisme national de lutte contre la drogue, il a mis à pied Antoine
Atouris qu’il a remplacé par Lener
Renaud. À l’UCREF, il se prépare
à forcer Sonel Jean-François à la
retraite, bien que son mandat le
garde en poste pendant au moins
encore deux ans. Jean-François
est le directeur de cette institution
qui, après enquête, avait acheminé
son dossier au commissaire du
gouvernement pour les suites
légales. On attend encore pour
voir ce qu’il entend faire avec le
directeur général de l’Unité de
lutte contre la corruption (ULCC). Sur ces trois piliers sont montés
les mécanismes de contrôle de la
lutte contre les stupéfiants et la
corruption.
Jovenel Moïse semble se
préparer à adapter ces institutions
au besoin de le blanchir de toute
accusation relative au blanchiment d’argent.
H.O.
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