jeudi 30 août 2018

La jeunesse haïtienne révoltée contre la corruption


REGARD DE LA FENÊTRE

La jeunesse haïtienne révoltée contre la corruption

MOUVEMENT #PETROCHALLENGE #PETROCIAO ! #KOTEKOBPETROCARIBEA

PUBLIE DANS HAITI OBSERVATEUR DU 29 AOUT 2018

Par Michelle Mevs

On veut y croire, on a besoin d’y croire !


Il a fallu les émeutes incendiaires et populaires des rues contre la décision du gouvernement de Jovenel Moïse, les 5, 6 et 8 août 2018 pour que celui-ci annule sa mesure d’augmentation des prix des carburants.

Le mouvement PetroChallenge
Le 24 août 2018, une manifestation aboutit par devant le siège de la justice haïtienne, aux cris dePetroCiao, #Koto KobPetro Cari beA, entre autres, faisant suite à la dite ré volte des 5, 6 et 7 juillet 2018, quand le peuple est sorti et a détruit des véhicules, incendié des entreprises sur son passage, causant peur et panique de toute la population. Violente manifestation qui a cassé la posture présidentialiste autoritaire en mode «Le président a parlé point barre». Ce discours à l´ancienne ne fonctionne plus!

Et c’est la jeunesse, cette génération Y de moins de 30 ans qui crie en marchant et en chantant le 24 août : « PetroCiao» devant les locaux de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSC/ CA), à Port-au-Prince; manifestation, survenue au Cap-Haitien également, exigeant le jugement et la condamnation des voleurs.

Pour mieux comprendre, lisons le movement #PetroCaribeChallenge ou #KoteKobPetrocaribea #PetroCiao. 

Le chant #PetroCiao comme une mise en garde : En voici la lyrique, en partie : « Kòb ki ale, Petrocaribe oh PetroCiao! PetroCiao! Petro cio! kob ki te la pou devlopman, gen yon paket mimi ki manje lajen fanmian. Apre sa se peup ki pwal paye. Tout moun ap mande, tout moun ap chache : Kote lentere ?

Kot lajen petrocaribea ? Gen yon kób ki pati, nou pa p jam jwen li o ! Petrociao...Fók yo jwen li ! Oh PetroCiao...

Message à la nation: ... peup la lan bounda nou ! (Le peuple vous a à l’œil !

La fièvre chronique, conséquence des mauvais traitements dues aux malversations du pouvoir en place, prend de l’ampleur au sein de la population
La violence sociale, les crimes économiques infligés au peuple haïtien à partir du système de corruption en boucle des dirigeants « sans foi ni loi », « sans cœur et sans oreilles pour entendre».

Faillite économique et privilèges accordés à une petite élite.
Référons-nous ici aux privilèges indus que s’octroient les élites parlementaires et présidentielles. Par exemple, le scandale d’une luxueuse villa louée au prix d´or pour Joseph Lambert, le président du Sénat. Il s’agit de celui-là même qui a organisé la séance dite « sham pwèl », manœuvre pour détenir l’aboutissement de mesures se rapportant aux abus et malversations, contenus des rapports PetroCaribe, à l’encontre des intérêts de la population; privant le pays de fonds nécessaires à la sustentation de l´État haïtien.

Les révoltés ce sont ceux que ces premiers appellent avec un certain mépris : les « moun sa yo », les autres, les négligeables. Or, s’armant de courage, ces victimes annoncent avoir pris leur des tin en main.

Il y a également la classe des élites d’affaires, dont certains membres jouissent de combines et magouilles en chambres, forts d’ « amitié » avec le président ou les hommes forts des gouvernements. Ils ont l’habitude des contrats accordés sans appels d’offre et surévalués, aux ristournes et prébendes « anba tab». Certains se font, en amont, fournisseurs de financement aux candidats en joute électorale; et, en aval, plus récemment, grands bailleurs de fonds de projets personnels à visée électoraliste, hors budget, du type caravane nationale.

Or Sans transparence, il n´y a que caisses noires et corruption. Sans accès aux documents originaux des pouvoirs, les journalistes de bonne volonté se retrouvent à devenir des analystes politiques clairvoyants, mais sans preuves palpables, alors que ces documents existent bel et bien. La constitution haïtienne exige en ce sens leur communication au public; mais, ce requis n’est pas respecté.

Le mouvement #Petro Challenge est une initiative alternative. Il est loin d’être une utopie, car il dérive de mouvements tiers-mondistes visant à redéfinir la gouvernance, comme en Espagne, par exemple, la mobilisation des citoyens indignés devenus le parti « Podemos », etc.

Le cri du peuple haïtien est partout!

Les Hashtags ou mots-clicks #KotekobPetrocaribe a #Petro Challenge sont les bannières du mouvement depuis la déclaration du rappeur Gilbert Mirambeau dans la presse internationale, le 14 Août 2018.

Il s’agit de mots-code qui délient les langues sur les live facebook — et pas seulement — , on en parle sur tous les réseaux sociaux accessibles. Les hashtags, qui surgissent en Haïti, sont peints sur les murs et murailles privées ou publiques et sur des pancartes, de vieux cartons accrochées un peu partout. On en a vu qui gravissent jusqu’aux plus hauts des poteaux électriques des rues et ruelles de la capitale haïtienne, pour mieux sécuriser leur pancarte; tandis qu’en même temps ces codes circulent sans restriction sur le net, souvent transformés par artifice de photoshop. Les hashtags sont portés de manière surprenante par un homme juste, fils de Dieu : Jésus-Christ, quand ce n´est pas les hommes d’État honorables comme Barack Obama...Quant aux audios, des voix chuchotent pour mieux se faire entendre, ou crient avec force la question clef : « #KotekòbPetroCaribeA » sur les nombreux groupes What sapp.

Le cri de la jeunesse haïtienne des plus démunis, est partout ! Comme une fièvre intense qui éclate quand le malade est empoisonné par doses médicamenteuses successives administrées par le médecin lui-même, alors qu´il prétend le soigner. Le « story telling » du gouvernement Jovenel Moïse ne porte plus !

La même semaine, une exposition de photos des présumés coupables du scandale Petro Caribe s’étale au champ de Mars, à Port-au Prince, et tague le président en fonction, Jovenel Moïse, dit le président suspecte. ... Exposant son image parmi les nombreux jouisseurs et dépensiers, mauvais gestionnaires du capital appartenant au peuple. Richesse confiée aux gouvernements successifs, de René Préval à Jovenel Moïse, en passant par Jocelerme Privert et Michel Martelly...

Les « challengers » ou révoltés
Les challengers, qui portent ce vent d’espoir, sont jeunes et décidés. Ils ont en moyenne moins de 30 ans. Ils sont les premiers à être forcés à l’exil (tandis que les frontières se referment sur leur émigration), à ne pas trouver d’emplois, à porter la souffrance des conséquences d’une gestion calamiteuse des affaires de l’État constatée surtout après de la chute des Duvalier. Cette commotion vécue lors des exécutions par « Père Lebrun», c’était dans le but de construire une nouvelle Haïti, « démocratique et pros père pour tous ». Or ce n’était pourtant qu‘un leurre. Tant d’erreurs ont été commises de part et d’autre, et les leaders les plus populaires de la nation en ont, à leur tour, été victimes.

Si les générations Y et Z n’ont pas connu la dictature, il en ont entendu parler par leurs parents. Pourtant l’échec ces derniers suscitent une nouvelle révolte.

Ils sont passionnés et leur vie est devant eux, mais leurs universités et leurs facultés sont négligées ou attaquées par les antiémeutes, lors des manifestations ou grèves d’étudiants sans que leurs revendications ne soient jamais prises au sérieux. C´est à croire que les dirigeants de ce pays avaient déjà prévu que la jeunesse n´accepterait pas le statu quo, leur outrageante perversion et les emprisonnements et massacres de jeunes étudiants en prévention de la rébellion.

Rappelons ici cette douloureuse attaque sur la personne d’ un étudiant par un recteur d’université ayant fait passer son véhicule sur l’étudiant qui s’était étendu sur le parquet pour l’empêcher d’abandonner les lieux. Jamais une décision de justice n’a été autorisée sur ce cas. Pire, un mur de protection s’est érigé autour de ce recteur qui a bénéficié d´une bourse d’étude de l’État haïtien. Aussi s’en est-il allé se réfugier à l’étranger.

Les Conséquences sociales, politiques et économiques…
Les dirigeants, les responsables de ce pays, auront-ils enfin compris que rien ne sera plus pareil ? Que leurs excès ne seront plus tolérés ? Quand les temps changent, il arrive que certains n‘y comprennent rien et continuent encore de s’agiter dans la presse essayant de défendre l´indéfendable. Après tout, même si la publicité n’est pas propagande, il arrive souvent qu´elle s´ajuste et sert à la défense des commanditaires publicitaires.

De la récupération du mouvement Petro Challenge
Vous ne récupérerez pas notre bien juste-révolte! déclarent les promoteurs du mouvement Petro Challenge.

Pour sa part, « Non à l’infiltration », voilà ce qu´avance le président de la chambre basse, Gary Bodeau, dans son discours, alors qu’il est lui-même suspect de porter le flambeau en faveur du gouvernement corrompu. N’est-il pas une transfuge du régime au pouvoir, membre élu et choix du Parti Bouclier, la formation politique de la présidence?

La petite revanche. Quand les manifestants du mouvement Petro Caribe Challenge s’en prennent, devant les caméras, à certains personnages de la scène politique haïtienne, lors de leur manifestation du 24 août, nous y voyons une petite revanche. Une
attitude flagrante du renvoi des éléments en qui ils n’ont plus con fiance. Ces derniers ne sont pas les bienvenus. Que viennent-ils faire là en se présentant au rassemblement PetroChallence ?
Veulent-ils infiltrer le mouvement ou se l´approprier ?

On lit dans la presse que Éric Jean-Baptiste, récemment élu secrétaire général du Regroupe ment des démocrates nationaux (RDNP), la formation politique créée par le défunt professeur Leslie F. Manigat, ce personnage calme et prospère, ex- candidat mal heureux à la présidence, ce lui qui porte le sort du peuple en émissions-vente de billets de loterie-« bòlèt » comme une réponse mystique aux rêves des plus démunies de vie meilleure. Celui qui voit en son métier de vendeur de rêve un « business comme un autre»…

Arnel Bélizaire, ‘ex-parlementaire, le fort en gueule, qui a pourtant confronté Michel Martelly alors qu’il était parlementaire; qui a été le principal investigateur des premiers moments de l’enquête PetroCaribe entreprise par le sénateur Youri Latortue, et
qui, ces jours derniers, s’en est pris ouvertement, lors d’une émission de radio, à Guyler C. Delva, journaliste de son état, actuellement fortement contesté, et qui a même été agressé, à cau se de son engagement dans la défendre les décisions gouvernementales, de la présidence et de Jovenel Moïse.

Les mouvements alternatifs du consensus sans leader n’en est qu’à son début. Les indignés, ces occupants la place publique, Plaza Mayor, en 2011, à Madrid, montrent la voie à suivre.

Quelques extraits d’un article sur le site web North Star qui dé finit les contours de ce mouvement de la gauche populaire :

«C’était en gros l’équivalent espagnol du mouvement Occupy Wall Street. Il a pris son nom le 15 mai 2011, lorsque les jeunes Espagnols ont déferlé dans les rues et ont occupé des espaces publics dans cinquante-huit vil les du pays. «La raison principale était le chômage qui, alors, était officiellement à 21,3 %. Au cœur de son programme, la certitude que le système bipartisan était en faillite.

«Comme ce fut le cas avec le mouvement Occupy Wall Street, aux États- Unis, certains dirigeants du mouvement du 15 mai avaient une « orientation horizontaliste » qui empêchait la politique électorale, position compréhensible, compte tenu de l’échec du système bipartite.»

« L’accent était mis sur la prise de décision par consensus sous contrôle local avec des actions directes destinées à forcer le gouvernement à garantir les besoins des gens. »

«Tout naturellement, le mouvement du 15 hésitait à s’aligner sur les vieux partis de gauche, considérés comme complices d’un système corrompu.»

Compte tenu de la gravité de la crise économique, en Espagne, le mouvement s’est étendu et a impliqué une proportion plus grande de la population que le mouvement Occupy, aux ÉtatsUnis.
« C’est son caractère massif qui a créé le pouvoir social ayant rendu possible (le parti) Podemos. Parmi les millions de personnes qui ont participé aux occupations et aux manifestations, il est douteux que beaucoup se soient considérés comme disciples de Mikhaïl Bakounine ou de Karl Marx. Ce qu’ils cherchaient était une alternative sérieuse à l’impasse susceptible d’infléchir des mesures radicales pour remédier à leur situation désespérée ».

Partis politiques. Le mouvement Petrochallenge : On veut y croire, on a besoin d’y croire ! Il est certain que ce mouvement répond à la faiblesse des partis politiques en place. Il arrive souvent que les partis politiques, dont le financement n’est pas autonome mais dépend strictement de la bonne volonté de la présidence et de leurs puissants protecteurs des milieux des affaires s´acoquinent avec le pou voir, — quel´que soit son excès — pour répondre au vieux dicton qui dit : quand on n’est pas à la table on ne peut se servir. Il est bon de croire que de ce mouvement PetroChallenge émergera un nouveau parti en adéquation avec la conjoncture, ajusté aux revendications prioritaires du pays.

Le contexte actuel

Un regard croisé entre le mouvement PetroChallenge, qui marque fortement les consciences et présente des alternatives; néanmoins, il semble important d’observer les derniers événements sur le terrain. Un Premier ministre nommé par le président Jovenel Moïse en consensus avec les deux présidents du Parlement, le notaire Jean-Henry Céant est en instance d’être ratifié — ou non —, par les membres des deux Chambres du Parlement sur la base de son programme politique.

Toutefois, même en cas de ratification l´avenir est encore imprévisible. Le chef de gouvernement nommé, Céant, devra faire face à de nombreux défis. Saura-t-il se libérer des contraintes et des exigences du président qui l‘a désigné pour être son Premier ministre ?

Faudra-t-il encore à la population trouver les moyens d‘ obliger à la restructuration ré clamée par les victimes, les révoltés, les indignés ?
Mais, n’est-il pas surprenant d’apprendre qu’un nouveau scandale est dénoncé par le Nouvelliste du 21 août 2018 ?
Il s´agit d´une commande contractuelle non validée, qui a été placée auprès d’une firme allemande du nom de Dermalog. Un versement est bel et bien déjà effectué, soit USD8,2 millions $ sur $ 27 millions (vingt sept millions). Cette firme devrait se charger de la fabrication de cartes électorales, alors que l’ONI a été démantelé.

Voilà une épée de Damoclès suspendue sur la tête du prochain Premier ministre, une menace suffisante pour déstabiliser sa politique.

La manipulation des cartes électorales, n´a-t-elle pas été un instrument majeure de fraude électorale, dans un passé récent ? La jeunesse marche et chante que c’en est assez...Une chose est certaine : le défi du peuple aux dirigeants ne manquera pas de se faire entendre !

M.M.

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