Un prêt de 50 millions recherché…
Au moins 10 % aux courtiers si l’affaire marche…
Par Léo Joseph
Un mois après son installation au
Palais national, les problèmes
financiers hérités de Michel Martelly commencent à harceler
Jocelerme Privert. Coincé de toute
part par des hommes affamés
introduits par lui dans l’administration publique, aussi bien que
par les employés de l’État réclamant leurs dus, sans oublier les
créanciers du gouvernement le
talonnant, le président provisoire
se voit acculer à négocier un prêt
important. Mais dans certains
milieux financiers, à Port-au-Prince, on fait remarquer que ceux
qui mènent les négociations en
vue de trouver ces fonds sont
motivés par d’autres raisons que
celles consistant à liquider les
dettes de la nation. En Haïti, quand des fonctionnaires qui ont
établi leur réputation de « voraces
» arrivent au pouvoir, ils ne vont
pas de main morte pour grossir
rapidement leurs comptes en
banque. Surtout quand il est question de mandat très limité dans le
temps.
Bien que les bailleurs de fonds
traditionnels d’Haïti soient tenus
en dehors des démarches visant à
trouver ce prêt de USD 50 millions $, ils seraient, toutefois, les
premiers à en prendre connaissance. Car sachant la gravité de la
situation économique du pays, particulièrement le pillage des
caisses de l’État par Martelly et
ses hommes, les soi-disant amis
d’Haïti se sont arrangés pour être
mis au parfum par rapport à tout
ce qui se passe dans le pays, surtout en qui concerne les finances. C’est ce qui a permis que les
négociations que mènent actuellement les courtiers parviennent à la
connaissance de certains milieux
diplomatiques, à la capitale haïtienne.
On apprend, en effet, que les
hommes de Privert sont en train
de remuer ciel et terre pour trouver
USD 50 millions $ que les dirigeants actuels prétendraient vouloir investir dans le « paiement des
dettes publiques ». À cette fin, on
explique que des consultations
très avancées auraient été menées
auprès des hommes d’affaires de
certains pays de l’Amérique latine,
qui seraient liés à des dirigeants de ces pays. Si officiellement l’affaire se révèle difficile, dans le privé, certains hommes
d’affaires, et même des banques, auraient, dit-on, manifesté un certain intérêt.
Mais dans l’empressement de
certains courtiers « à boucler la
boucle », ils semblent privilégier
les démarches sur place. Parce
que, dit-on dans les milieux informés, même s’il faut trouver une
dizaine d’entités pour réunir cette
valeur, cela se révèle plus séduisant pour les intermédiaires. Souhaitant aller très vite en besogne, afin d’éviter d’être pris de court
par les événements, conclure un
marché avec des entrepreneurs
locaux serait l’option idéale pour
les démarcheurs. On laisse croire
qu’il sera plus facile de conclure
un tel marché avec des hommes
d’affaires du pays, qui comprennent mieux que personne l’urgence à laquelle se trouve confrontée
les actuels dirigeants.
D’après ce qui se répète, dans
les milieux proches du Palais
national, de telles démarches sont
rendues nécessaires parce que le
fonds Petro Caribe a cessé d’être la
poule aux œufs d’or qu’il était
avec l’équipe Martelly-Lamothe, puis Martelly-Paul. Des centaines
de millions ont été décaissés à partir des comptes, à la Banque centrale (BRH) et à la Banque nationale
de crédit (BNC), de Pétro Caribe
pour être investis à qui-mieux-mieux dans des projets bidons ou
faits sur mesures en vue de faciliter le détournement des fonds
publics. L’indisponibilité des ressources alimentées par la vente du
pétrole vénézuélien orchestrée par
Martelly et son équipe met à mal
l’administration Privert, qui ne sait
à quel saint se vouer pour trouver
le soulagement qu’il recherche.
C’est pourquoi, il aurait trouvé
« séduisante », dit-on dans des milieux diplomatiques, l’idée avancée par les courtiers d’engager des
négociations avec des «hommes
d’affaires du pays ».
Une affaire menée dans
l’opacité totale
Il y a fort à parier que cette
démarche ne vise en rien les intérêts supérieurs de la nation. Il faut
retenir que cette affaire de USD
50 millions n’a pas été connue
grâce à la transparence administrative pratiquée par la présidence
provisoire, mais plutôt suite aux
révélations faites par un diplomate qui disait savoir que les négociations avançaient sans que le
peuple haïtien en ait été informé. D’ailleurs, les hommes du pouvoir n’ont aucune raison de permettre que des « intrus » se mettent de la partie. Cela suffit pour
montrer que la gent au pouvoir
aujourd’hui n’a aucune intention
d’informer les citoyens de ce
qu’ils entendent faire avec les 50
millions $.
Du train où vont les démarches, si et quand le pays sera finalement informé de ce prêt, acteurs
et participants auront déjà partagé
la part du lion entre eux, laissant
une poussière pour régler les
affaires de l’État. Avec le modèle
mis en place par Michel Martelly, que Privert semble vouloir faire
sien, il existe de fortes chances
que, à l’instar de Pétro Caribe, ce
prêt, s’il devient réalité, constituera un fardeau financier insupportable pour les générations
montantes. C’est bien le cas
avec l’argent du pétrole vénézuélien dont la dette envers le
Venezuela se chiffre aisément à
plus d’un milliard. Car, quand
on sait que des arriérés de
l’ordre d’USD 90 millions $
sont dus à la République bolivarienne, on verra galoper rapidement le montant de la dette
externe d’Haïti envers ce pays lorsque les paiements en souffrance seront ajoutés aux obligations totales régulièrement
programmées sur le long
terme.
On sait que le pays nage
dans une crise financière, tel
que cela a été révélé par
Jocelerme Privert lui-même
annonçant la « catastrophe »
dans laquelle est plongée la
nation, mais quand on parle de
prêt de USD 50 millions, il n’y
a point de doute que les
citoyens haïtiens ont toutes les
chances d’être victimes d’un
autre coup fourré.
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