mercredi 13 avril 2016

Proposition de la FUSION pour un consensus.

COMMISSION D’ÉVALUATION ET DE VÉRIFICATION DES ÉLECTIONS DE 2015

COMMENT ET POURQUOI ?


UNE PROPOSITION DE LA FUSION POUR UN CONSENSUS

Les élections de 2015 sur lesquels comptait le peuple haïtien pour retrouver une gouvernance légitime et pour éloigner le spectre de l’instabilité politique, ont été entachées de tellement d’irrégularités que les démocrates haïtiens en contestent les résultats.  Les irrégularités graves assimilables à des fraudes massives relevées par une enquête préliminaire ont conduit d’une part au report sine die du dernier scrutin et d’autre part à la démission du Conseil Électoral Provisoire (CEP) fautif et à son remplacement par un nouveau CEP.  Tout ceci est la démonstration, à une ou deux exceptions près, de notre incapacité en tant que peuple à organiser des élections crédibles et à faire fonctionner une démocratie normale, depuis près de trente (30) ans. 

La Fusion des Sociaux-Démocrates Haïtiens (FUSION), dès le lendemain du scrutin du 9 août 2015, a dénoncé les fraudes et les violences enregistrées un peu partout à travers le pays et demandé la constitution d’une commission tripartite pour évaluer le processus électoral, condition indispensable pour crédibiliser les résultats et restaurer la confiance dans le système.  Malheureusement peu nombreux ont été les acteurs politiques à partager cette position dont l’unique but était de sortir notre pays de la malédiction des élections frauduleuses et des dirigeants affaiblis parce qu’issus de telles élections.  Avec la bénédiction de la communauté internationale, à l’exception d’un nombre restreint de partis politiques, tous les candidats se sont précipités tête baissée dans la course à la présidence en espérant que de façon magique, les fraudeurs n’allaient pas oser rééditer le 25 octobre les fraudes du scrutin précédent.

Hormis des bénéficiaires directs des élections des 9 août et 25 octobre 2015 et les membres du Core Group qui veulent nous imposer une fois de plus une démocratie au rabais, tous les secteurs de la vie nationale ont clairement signifié leur refus de participer à la poursuite du processus électoral tant que toute la lumière ne sera pas faite sur les fraudes enregistrées et tant que les conclusions qui s’imposent n’auront pas été tirées.  L’idée a fait son chemin, la résistance des démocrates a payé.  Pour ramener la confiance, il importe de s’assurer 1) que les membres de la future Commission de Vérification et d’Évaluation du Processus Électoral de 2015 (CVEPE) soient choisis de manière consensuelle et disposent d’une totale indépendance, 2) que son mandat soit clairement défini, 3) qu’un délai suffisant lui soit accordé pour effectuer sereinement et sérieusement son travail et 4) qu’un accord préalable soit trouvé sur le sort qui sera réservé à ses recommandations.

1. Composition  

Pour la composition de la commission, il n’est pas souhaitable de recourir au même mécanisme utilisé pour le choix des membres du CEP.  Compte tenu de la délicatesse de la tâche à accomplir, en lieu et place des secteurs habituellement sollicités, il est préférable de sélectionner de façon transparente et participative des personnalités crédibles, susceptibles d’inspirer confiance, en suivant la procédure décrite ci-après. 

1.1 La CVEPE est composée de neuf (9) membres dont quatre (4) au moins doivent être des femmes. Ils doivent être haïtiens, jouir d’une excellente réputation, connaître le processus électoral et l’environnement politique haïtien. 

1.2 Ils seront choisis par consensus entre les partis politiques ayant participé au processus électoral.  Chaque parti politique proposera anonymement les noms de deux (2) personnalités répondant aux conditions susmentionnés, un (1) homme et une (1) femme, ce qui permettrait que les choix soient réalisés sur des critères objectifs et non sur des questions d’appartenance politique.  Ils feront tous l’objet d’une enquête de moralité. Les acteurs concernés devront rechercher et trouver un consensus sur chacun des neuf membres en se fondant uniquement sur l’intérêt collectif et la volonté de constituer une équipe crédible susceptible d’inspirer confiance au plus grand nombre.  

1.3 Le Président provisoire de la République prendra l’initiative de convoquer les partis politiques et organisera la procédure susmentionnée. 

1.4 Les parties concernées disposeront de trois (3) jours calendaires pour mener leurs enquêtes et produire leurs remarques et commentaires. 

1.5 Il est entendu que la recherche du consensus signifie qu’il n’y aura pas de vote.  En cas de difficulté à y parvenir, chaque partie soumettra anonymement  par ordre de priorité neuf noms, ce qui permettra de procéder par élimination.  Des discussions en plénière pour le choix final pourront avoir lieu sur la liste sera réduite à vingt-sept (27) ou à dix-huit (18) noms. 

1.6 Les membres de la CVEPE pourront utiliser les services de consultants et d’experts indépendants en statistique et en opérations électorale qui seront rémunérés par le Ministère de l’Économie et des Finances. 

1.7 Les membres de la CVEPE ne percevront pas de salaire, mais auront droit à des frais versés par le MEF.   

1.8 Il est entendu que ce ministère mettra à la disposition de la CVEPE la logistique, les moyens et matériels nécessaires pour l’exécution de son mandat.  En aucun cas les membres de la CVEPE ne pourront être considérés comme comptable de deniers publics.  

2. Mandat 

La querelle sémantique que certains ont voulu engager en opposant les termes évaluation et vérification, n’a pas sa place ici, vu qu’il ne s’agit pas pour les protagonistes d’instrumentaliser la CVEPE pour servir leurs intérêts électoraux, mais d’établir la vérité sur ce qui s’est réellement passé les 9 août et 25 octobre 2015 et de produire des recommandations qui permettront construire la démocratie haïtienne sur des bases saines et solides et non sur la fraude, la corruption et la violence.  Il est entendu que la CVEPE ne tiendra aucun compte des souhaits exprimés par un quelconque secteur national ou international pour préparer son rapport et produire ses recommandations.   Son mandat consiste à : 

2.1 Évaluer l’ensemble du processus électoral à tous les niveaux et dans tous ses aspects. 

2.2 Vérifier l’authenticité et de la fiabilité des données fournies par l’Office National d’Identification (ONI) pour la préparation des listes électorales générales et partielles. 

2.3 Vérifier la procédure de constitution des Bureaux Électoraux Communaux (BEC) et Départementaux (BED), le mode de recrutement de leurs membres et de l’ensemble des agents de l’appareil électoral, le traitement des contestations y relatives ainsi que les mécanismes utilisés pour le remplacement au pied levé des personnes proposées par les partis politiques. 

2.4 Passer en revue de manière exhaustive, l’ensemble des opérations électorales : commande des matériels sensibles et non sensibles, critères d’octroi des accréditations aux organisations d’observations électorales, fabrication des cartes d’accréditation des mandataires et des observateurs, transparence dans la passation des marchés de fournitures et de services, la logistique, la sécurité, le choix des sièges des centres de vote, etc.  Cette énumération n’est  pas limitative. 

2.5 Enquêter sur le déroulement des journées électorales des 9 août et 25 octobre 2015 à la lumière du décret électoral. 

2.6 Évaluer l’impact des actes de violences perpétrés autour des élections sur le processus et sur les résultats. 

2.7 Procéder si besoin est au recomptage des bulletins. 

2.8 Enquêter en profondeur sur les fraudes relevées et dénoncées. 

2.9 Vérifier systématiquement les procès-verbaux des bureaux de vote, la régularité et la validité des procèsverbaux établis pour les mandataires, observateurs et autres agents électoraux qui ont voté alors que leurs noms ne figuraient pas sur les listes électorales partielles. 

2.10 Vérifier scrupuleusement les listes d’émargement et leur concordance avec le nombre de votants figurant sur les procès-verbaux et s’assurer que l’on n’a pas fait voter des personnes disparues depuis le tremblement de terre et que les numéros de CIN et les signatures sont authentiques et correspondent bien à ceux qui figurent dans les bases de données du CEP.  

2.11 Faire la lumière sur les accusations de corruption proférées contre des membres du CEP, de BCEC et de BCEN. 

2.12 Revoir les décisions des BCEC’s et des BCEN’s et en vérifier leur pertinence, leur cohérence et leur conformité au décret électoral, ainsi que le mode de calcul utilisé pour établir les pourcentages.  

3. Durée 

L’ampleur de la tâche confiée à la CVEPE impose qu’un délai raisonnable lui soit accordé pour l’accomplir.  Dans le même temps la durée ne peut pas non plus rester indéterminée.  La CVEPE devra rendre son rapport et ses recommandations dans un délai ne dépassant pas trois (3) mois. 

4. Recommendations 

La CVEPE est entièrement libre d’élaborer ses conclusions et ses recommandations.  Aucune directive ne lui est donnée, ni pour faire ce qu’il faut pour la poursuite du processus, ni pour procéder à un autre classement des candidats, ni pour dire qui est bien élu et qui est mal élu, ni pour décider de l’annulation de l’ensemble des élections.  L’objectif de sa mission étant de faire la lumière sur les élections des 9 août et 25 octobre 2015, la CVEPE tirera toutes les conclusions jugées pertinentes et produira des recommandations en tenant compte du décret électoral et des principes généraux admis pour l’organisation de bonnes élections dans une démocratie normale. 

Dans la mesure où les membres de la CVEPE ont été choisis sur une base consensuelle, qu’ils bénéficient de la confiance des acteurs politiques et qu’ils vont travailler en toute indépendance sans interférence d’un quelconque groupe de pression national ou international, ses recommandations devront être appliquées intégralement et toutes les parties concernées devront s’y soumettre.  

Il demeure entendu le CEP devra attendre les recommandations de la CVEPE avant de prendre une quelconque décision.  Il est évident que la mise en place de la CVEPE rend impératives la négociation et la recherche d’un large consensus sur un véritable accord politique entre les différents acteurs. 

Port-au-Prince, le 12 avril 2016  
 
Edmonde SUPPLICE BEAUZILE       
Présidente  

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