mercredi 31 janvier 2018

Le dossier de l‘assassinat du père Joseph Simoly : la vigilance est à l’ordre du jour

Près de six semaines depuis l’assassinat du père Joseph Simoly, vicaire dominical de l’église du Sacré-Cœur de Port-au-Prince, l‘affaire traîne encore au Parquet de la capitale. Traditionnellement, en Haïti, quand les autorités judiciaires tentent de brouiller les cartes dans un cas donné, on sait qu’il y a anguille sous roche, que ceux qui prennent les décisions s’appliquent à chloroformer l’opinion publique. Dans la me sure où ceux qui pilotent le dossier s’ acharnent à l’entourer du plus grand mutisme, la nation a pour de voir de se mobiliser pour éviter que le dossier n’aboutisse aux calen des grecques. Or, vu la manière dont le bureau du commissaire du gouvernement traite le cas, le peuple doit rester vigilant afin de prévenir toute manigance de la part des officiels.

On ne saurait oublier que, tout au début, on avait pressenti une manipulation du cas, lorsqu’une source policière avait fait état d’une information, délibérément fausse, concernant la victime, indiquant qu’elle a été prise pour cible parce qu’elle re venait d’une banque avant de se diriger vers sa résidence. Par la suite, la police devait désavouer cette version. Mais, toujours est-il, trois semai nes après le crime, l’institution policière, dans le cadre d’une conférence de presse, devait annoncer l’arrestation de quatre individus gardés en détention sous l’accusation d’être les assassins du père Simoly, mais se limitant, toutefois, à donner des in formations vagues sur le cas; et se gardant aussi de faire de révélations concernant les commanditaires de ce crime crapuleux. En fin de compte, la Police et les autorités judiciaires restent toujours avares d’informations concernant les auteurs de la mort du prêtre.

Mais par la faute des autorités du pays de rester égales à elles-mêmes, c’est-à-dire d’éviter d’éclairer l’opinion publique concernant cette affaire, les média, justement mystifiés, œu vrant pour la recherche de la vérité, ont opté pour fouiner ailleurs. Or, il semble qu’en dehors de la sphère officielle, l’instruction de l’affaire soit plus révélatrice. Car, non seulement les quatre individus appréhendés ont fait des aveux ayant permis d’ouvrir des pistes menant vers le commanditaire de l’assassinat, ils ont de plus permis aux forces de l’or dre d’identifier le commanditaire du crime. Toutefois, rien ne dit que le pays est sur le point d’être informé des conditions dans lesquelles le père Simoly a trouvé la mort.

En effet, on apprend que le Parquet de Port-au-Prince tarde à acheminer le dossier de l’assassinat du père Joseph Simoly au cabinet d’instruction, en l’absence du président de la République ou avant d’obtenir l’avis de ce dernier quant à la manière de procéder. Ce qui fait croire que la personne identifiée comme auteur intellectuel du crime n’est pas un étranger du pouvoir. Alors ce cas rappelle étrangement celui de Woodley Éthéard, surnommé Sonson Lafamilia, qui s’était évadé de prison après son incarcération pour kidnappings et assassinats. Sommé de se rendre à la justice, il tardait à le faire, ayant déclaré vouloir attendre le retour de l’étranger de l’ex-président Michel Martelly, son ami et protecteur. De fait, de retour au pays, Martelly devait donner l’ordre au juge d’instruction Lamare Bélizaire de le blanchir de tout soupçon.

Dans le cas du père Simoly, nous avons appris, d’une source de la Police, que le nommé Pierre Jolicœur aurait été identifié comme le commanditaire de l’assassinat. À en croire cette même source, cet individu ne serait pas à son premier coup, ayant trempé, au fil des ans, dans d’autres incidents graves liés au kidnapping et à des assassinats, sans avoir été puni, ni même interpellé par rapport à ces crimes. Car il fait partie de cette catégorie d’individus qui, en Haïti, sont au-dessus de la loi; et jouissent éternellement de l’impunité.

Certes, au fort de la période de kidnappings, quand les criminels de toutes catégories sociales endeuillaient et rançonnaient les familles haïtiennes, seuls ceux issus des quartiers défavorisés étaient appréhendés ou sommairement exécutés. Les réseaux de ravisseurs contrôlés par des hommes d’affaires riches et puissants fonctionnaient sans être inquiétés. La plupart des crimes commis en Haïti reste sans solution jusqu’à ce jour. Par exemple, si Clifford Brandt, un membre des familles bourgeoises d’Haïti, a été appréhendé le 22 octobre 2012, après l’enlèvement, le 16 octobre de la même année, de Nicolas et Coralie Moscoso, enfants du PDG de la Sogebank, puis condamné, le 13 septembre 2016, à 18 ans de réclusion, d’autres de sa classe sociale courent encore les rues. On en veut pour preuve le cas de Stanley Handal, le kidnappeur présumé de Génélus Nathanaël, un employé de l’UNIBANK (succursale de Damien), perpétré le 4 août 2005. Arrêté sur la base d’un rapport accablant de la Direction centrale de la Police judiciaire (DCPJ), en août 2005, Handal fut libéré le 11 décembre de cette même année par le juge Jean Pérez Paul, au moment où les tribunaux étaient « en grève ». Génélus Nathanaël n’est jamais retourné à sa famille.

En ce qui concerne M. Jolicœur, les autorités judiciaires gardent le plus grand mutisme autour de son nom. N’était-ce l’indiscrétion d’une source proche de la PNH, son rôle dans l’assassinat du père Simoly ne serait jamais connu. Car il évolue dans l’orbite du pouvoir et partage la même « mangeoire » avec les dirigeants. Très connu dans le secteur de la construction, particulièrement en tant qu’importateur de bitume, Pierre Jolicœur appartient à cette classe d’hommes qui s’enrichissent grâce à ses relations avec les dirigeants du pays, dans les conditions que l’on sait.

Vu la manière dont le système judiciaire haïtien pilote ce genre de dossier impliquant de tels citoyens, il est tout à fait légitime que l’opinion publique soit mobilisée pour que le jour soit fait sur l’assassinat du père Simoly et que tous les responsables soient identifiés et traduits en justice. Il est donc aisé de comprendre, dans de telles conditions, pourquoi il faut appeler à la vigilance les uns et les autres. Cela est d’autant plus urgent que d’ores et déjà apparaissent les signes d’une conspiration en gestation en vue de kase fèy kouvri sa.

H.O.

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