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L'ancien président René Préval |
La gauche et la droite jouissives corrompues,
réactionnaires et la communauté internationale pleurent le départ de René
Préval, le Mapou du système traditionnel ancien. Des pages de Me
Sonet Saint Louis. à l'honorable Jerry Tardieu, autour de la disparition du
Président René Préval. Des pages à méditer, à critiquer, à corriger et même à réécrire.
Le beau monde pleure la disparition d'un mapou-géant.
Mais, nous, de l'autre monde, nous ne sommes pas du tout en liesse, mais
pas pour les mêmes raisons finalement. Le Président Préval est parti et
a laissé à ma génération et à la postérité un pays en ruine, triste
et solitaire. On ne s'attend pas a cette mort subite dans notre politique.
Mais, il faut admettre ce principe immuable de la nature : des qu'on est
né, on n'est pas trop petit, ni trop vieux pour mourir. Cette disparition
surprend et nous contraint à la réflexion dans cet univers
miné contrôle, et marqué surtout par une grande sécheresse de
la réflexion critique et de l'interrogation.
Dans cette société, on veut tout camoufler, tout
masquer, même l'évidence. L'évidence d'un chaos, d'un échec soigneusement
entretenu et organisé durant un règne. Ai-je le droit enfin, en tant que
haïtien, éduqué sur la base de la citoyenneté, de la solidarité et du
patriotisme de faire le bilan de Préval, mon président et ultimement lui demander
des comptes, et à tous ceux qui avait eu comme lui la
responsabilité suprême de gérer le bien public dans un contexte de rareté des
ressources nationales disponibles ou faire cause commune à la bêtise
triomphante ?
Si l'exercice de ce droit est encore possible,
voilà en quoi et sur quoi je veux livrer mes impressions pour
certains et des réflexions pour d'autres. Dans mon trou coucou, à la Gonâve,
loin de la modernité occidentale, mais bien sur loin de l'hypocrisie de
la société urbaine de Port au Prince, je suis ému et ébloui de voir les
concerts de louange Venus de partout qui inondent la presse haïtienne
suite au décès du président Préval. Je remarque qu'il y a un grand
travail de communication qui se fait autour de sa mémoire. Quelle idée ont-ils
de la politique et de la République ?
Ses amis le présentent comme un modèle à vendre, et à cultiver,
mais en même temps oublient que ce dernier avait eu la
responsabilité de conduire la destinée de toute une nation, de travailler
au bien être de chaque citoyen haïtien, non de gérer les intérêts
mesquins et égoïstes d'un petit cercle d'amis restreints pour lesquels,
il s'est réellement tout donné et il a tout donné. Ces faiseurs de roi ne
se trompent pas réellement dans leur culte à ti René, du moins,
c'est cette image, ou cette représentation minuscule et singulière qu’ils
ont de la politique et de la gestion du bien commun. Cette représentation
est celle des classes dominantes. Ce discours fait partie de la stratégie des
classes dirigeantes pour reproduire le modèle dominant actuel.
Le discours dominant relayé dans la presse du pouvoir d'État est celui
d'un Préval suave, gentleman, aimant la vie, et le beau, disons
mieux un élément de bon commerce pour la classe. Ces critères de
sélection et de perfection sociale font de lui, en vérité, un gars authentique,
digne fils adore d'une certaine aristocratie de caste, de race et de
classe dans ce pays. Ce discours relègue en arrière plan les actions de
cet homme et renvoie aux oubliettes tout questionnement, tout débat
politique sérieux et pédagogique sur la manière dont cet homme public a
géré le bien commun pendant ses dix années de pouvoir.
En effet, ce discours s'est fait chair et se
répand partout, avec force et insistance, à cause du complotisme des
médias corrompus au service des classes dirigeantes régnantes. La gauche et la
droite présentent René Préval comme un exemple de réussite politique,
pour avoir réussi deux mandats présidentiels sans heurts, dans un
pays complexe et compliqué.
Dans ce pays, on ne se soucie pas du résultat, il
suffit d'être madré. Il faut être madré, car être politicien en Haïti,
c'est d'abord être capable de porter des coups bas à ses
adversaires et rivaux en politique. Ici, on a beaucoup de madrés, mais
peu de politiciens capables de résoudre les problèmes fondamentaux du pays. Sur
ce point, Préval fut un politicien madré, un arroseur, un cynique qui pensait
pouvoir ridiculiser tout le monde, même son pays. Son coup fourre contre
Jacques Édouard Alexis, cet universitaire bien forme qu'il a traine dans la
boue par jalousie et aigreur suffit pour s'en convaincre.
Dans notre conception, un chef d'État est un citoyen qui marque
positivement l'État, qui le fabrique, lui donne une vision et une direction. Un
chef d'État qui désacralise l'État, le fragilise ou le dépouille de ses
institutions est un anarchiste, ennemi de l'État, et des citoyens desquels
l'État a reçu sa légitimité et sa consécration.
Dans cette réflexion, je risque de me tromper en réalité au niveau
communicationnel, politique et conceptuel sur les notions de gauche et de
droite en Haïti. Il y a une réelle confusion ici. Quand on parle de la gauche
et de la droite, on est dans une dynamique de modernité politique. Or, chez
nous, il y a peu de modernes, il n'y a que des madrés de la
politique haïtienne.
Dans la société haïtienne, il n'y a pas
vraiment positionnement idéologique. On ne sait pas non plus quel type de
valeurs que défend chaque courant. Les notions de droite et
gauche renvoient en politique a une réelle antinomie, une
opposition entre deux visions de l'État et de la société. En Haïti, nous sommes
plutôt en face d'une mafia de la gauche et la droite, coiffée par une
grande mafia politique au niveau national et global."Droite et gauche”,
suivant l'expression de mon savant Maitre, docteur Osner Févry adhèrent à la même doctrine de pillage
systématique des caisses publiques. Elles conduisent la même politique au sein
d'un même système contrôlé par le même petit cercle d'amis et de copains
"droite et gauche".
La différence entre la droite dans sa version
Jean Claudiste et la gauche lavalasienne réside dans une tromperie organisée
entre les deux courants pervers La différence entre le secteur ", dit
démocratique" et le secteur anti démocratique est qu'ils sont
tous deux secteurs anti démocratiques.
Dans cette énumération, il y a quand même démarcation,
il faut en faire sérieusement. Nous ne devons pas être trop catégoriques,
ni trop absolus, car, à gauche, comme à droite, il existe des
échantillons d'hommes et de femmes patriotes et progressistes dans ce
pays pour lesquels je continue à avoir une grande admiration.
Le passage de René Préval au pouvoir comme
celui de beaucoup d'autres ne débouche sur rien de fondamental, sauf
certains détails farfelus mis en circulation pour les besoins du moment
qui ne peuvent en réalité amuser que certains amuseurs et
jouisseurs impénitents habitués à sa table bien garnie.
La politique de Préval a été tout simplement un
désastre. Les institutions étaient bancales et n'étaient plus renouvelées à
temps. Les élections qui constituent la voie démocratique par excellence
pour renouveler le personnel politique n'étaient pas organisées. Aucune
action, aucune mesure visant à renforcer la démocratie, les institutions et
l'État de droit n'a été posée. Les actions posées par Préval dans le sens
de la stabilité politique du pays et la paix des rues
n'étaient qu'une stratégie visant à assurer sa propre suprématie dans
l'espace politique haïtien.
Le président Préval a totalement banalisé l'espace
politique haïtien. Sous sa présidence la corruption continue de
régner à tous les niveaux de l'État. Le vocable " grand mangeur (macrophages
en français) a pris naissance sous l'administration de René Préval. Sa
proximité avec le secteur des affaires a permis à son entourage de piller
l'État. La création de la CNE et le grand mariage routier promis par ce dernier
a été le grand mariage entre petits copains et copines, une grande unité
retrouvée pour mettre les finances publiques à sac.
Dans l'opinion, on vante les tronçons de route
construits par Préval, 10 ans après, regarde l'état de délabrement de nos
routes, et vous aurez une idée sur la façon dont notre argent a été
dépensé. Dans le domaine économique, son administration avait mis en œuvre une
politique qui a permis aux secteurs mafieux du pays de kidnapper
l'économie nationale et la politique, notre bien commun. La
politique de "privatisation-vente" des entreprises publiques
décidée par l'administration Préval a été la plus grande violence
économique faite à la société haïtienne. Une politique qui a condamné les
laisser pour compte, les classes laborieuses, les masses rurales et urbaines au
désespoir et à la mort irréversible.
Les accords de libre échange signés par René
Préval avec les institutions financières internationales, notamment avec
les américains concernant l'importation du riz en Haïti et sa
politique agraire constituent deux éléments fondamentaux de
l'effondrement de notre système agricole national.
Par ces accords le
libre échange, le marché assigne désormais à Haïti un rôle dans la
division internationale du travail et de l'économie globale du marché.
Des lors, Haïti se trouve adhérée au credo néolibéral et est saisie par les
principes du marché global.
On attend Haïti dans deux domaines: la constitution et la création des zones
franches d'exportation, industrielles et commerciales dans nos zones
arabes et fertiles dans un contexte de main d'œuvre a bon marché et le tourisme,
surtout le tourisme sexuel. je ne doute pas que tu sois bien place dans
ce nouvel ordre international en application ? Entre temps, honorable
comment va Royal Oasis ?
J'espère que ton entreprise et d'autres
sauront comment frayer un chemin dans cet ordre international pour le
bonheur de nos milliers de chômeurs haïtiens.
Il va sans dire que cette assignation du rôle d'Haïti dans cet ordre
international ne soit pas une fatalité. On peut s'en détourner et s'assumer
comme nation. Cette œuvre de rédemption prochaine sera celle des
patriotes, non de Préval et son club de copains. C'est là où nous en sommes.
Voilà, ce que les politiques ont décidé.
Honorable, les propos que tu as recueillis de René Préval ne sont
que des salades vertes. Elles sont destinées aux tables de
"vérité, intite lespwa" et le club de bourdon et ne
seront servies qu'à l'occasion de ses obsèques copieusement et
soigneusement programmés. Alors bon appétit messieurs et dames, mais évitez
l'indigestion.
Il n'est pas surprenant que dans les dernières minutes de sa vie, Préval
comme d'habitude, essaie de tromper tout le monde, et malheureusement
cher Tardieu, dans ce jeu de dupe, tu n'as été qu'un simple couloir de
transmission d'une parole de la mort, d'une nouvelle stratégie de la mort
contrariée par la mort subite. Une mort répète-t-on enfin qui sauve et
"soulage". Je te rappelle que
Préval avait dirige mon pays en deux occasions avec la présence des forces
occupantes sur le territoire national. A aucun moment de sa présidence,
les questions concernant la souveraineté nationale du pays n'ont été
posées. Au contraire,
Préval au cours de son premier mandat présidentiel a pratiquement
liquide nos chars blindes, nos avions, les fusils rouilles de l'armée
indigène, et de tout ce qui reste des matériels de l'armée défunte,
abolie par un arrêté présidentiel. On ne détruit pas une armée, parce qu'elle a
réalisé des coups d'État contre le pouvoir civil, parce qu''elle est coupable
des violations des droits humains. Le principe de la suprématie du
pouvoir civil sur l'institution militaire était une donnée nouvelle en
Amérique latine dans les années 80.
Cette transition du pouvoir militaire au pouvoir civil
demandait toute une pédagogie pour inculquer à nos forces armées haïtiennes
ces nouvelles valeurs démocratiques. Les forces armées en Amérique latine,
omniprésentes sur notre sol sacre sont passées pour champion
dans la pratique des coups d'État. Pourtant, les nouvelles
démocraties en Amérique latine ne les ont pas détruites, mais que des
réformes intelligentes et audacieuses les ont transformées et les ont
mises au service de la démocratie naissante.
Cette décision de bannir une institution nationale,
fondatrice de l'État a été maladroite et politiquement mal inspirée. En
effet, honorable, cet État dont le pouvoir législatif
auquel tu appartiens est Co-dépositaire de la souveraineté nationale,
n'existe pas, à partir du moment ou René Préval a signé avec la secrétaire
d'État américain, madame Albright un accord permettant
ainsi aux policiers des États-Unis de procéder à l'arrestation d'un
citoyen sur le sol d'Haïti pour le déporter sur le sol américain. L’État d'Haïti en réalité n'existe que
par procuration. Mais, en vérité, dans un pays où il y a tant de dirigeants incompétents,
sans honneur et sans dignité, on trouvera quand même dans la postérité
deux ou trois citoyens qui porteront l'honneur et la dignité de beaucoup
d'autres. Cela est historique.
Je souligne à l'attention de mes compatriotes que le premier devoir
d'un État est la sécurité de ses citoyens. Haïti, par la signature de cet
accord dans une certaine mesure a renoncé à son devoir
de protection judiciaire et diplomatique envers ses citoyens. Ses citoyens se
trouvent désormais livrés à l'arbitraire et aux injustices des nations,
notamment les États-Unis. Permets-moi de souligner un aspect important du comportement de Préval : l'insouciance
politique.
Le pourianisme cravachère dont il avait fait
montre après le séisme de 2010 face à la gestion de l'aide
internationale justifiait de manière scandaleuse le manque de leadership de ce
dernier. Ses maladresses politiques ont amené le Parlement à voter
une loi, créant une structure spéciale de gestion de l'aide internationale (CIRH),
une machine infernale faisant de Bill Clinton, un ex président des
États unis, l'ordonnateur des finances publiques haïtiennes, mais en réalité
n'avait pas de compte à rendre à personne. Il s'agit tout simplement de
l'insouciance politique au plus haut sommet de l'État. Honorable, je ne devine
pas ton projet de devenir le premier d'entre nous. Mais je vais te dire ce
qu'on attend de nos dirigeants.
Nous attendons de vous, gouvernants que vous mettiez en œuvre de
véritables politiques publiques qui peuvent protéger nos
enfants du danger, des politiques de sécurité humaine qui peuvent nous mettre à
l'abri de toutes les vulnérabilités dont nous pouvons être victimes tant
sur le plan économiques, social, politique qu'en environnemental.
La politique de la mort mise en œuvre par Préval pendant ses deux
mandats a contribué à l'exil de nos jeunes en république
dominicaine et dans beaucoup de pays de l'Amérique latine. Ils
savent pourtant qu'ils n'y sont pas toujours les bienvenus, mais ils y
vont quand même. Mais s'ils y vont, honorable, c'est parce que chez
nous, l'économie nationale est extorquée par un petit groupe, et la porte de
l'égalité des chances leur est totalement fermée. Toujours dans l'intérêt
de ce même petit groupe, à la fin de son mandat, le président Préval
avait une reforme constitutionnelle qui crée un petit monstre quant à ses
dangers d'application. Cet amendement concocté et rendu applicable enlève
toute implication des masses urbaines et rurales dans le choix des membres du
conseil électoral permanent.
La participation du peuple au processus politique
de son pays est donc anéantie. Il était évident que
Préval avait tente d'organiser un pouvoir oligarchique à travers la
Constitution amendée de1987. Puis- je
comprendre que c'est dans cette optique que tu étais allé rendre cette ultime
visite à René Préval, en ta qualité de président de la Commission de reforme de
la Constitution?
A ma connaissance, René Préval, n'est pas le plus
grand constitutionnaliste du pays. Il y a quand même de quoi à se poser
des questions. En effet, le travail de ta commission ne devra pas précéder
les débats sur les questions nationales et identitaires. Je connais ton souci
pour l'implication des haïtiens de l'extérieur dans le processus politique de
leur pays. Mais, il est absolument nécessaire dans ce contexte mondialise
traverse par une crise identitaire de connaitre : qui est haïtien et qui
ne l'est pas ? On attend de ta commission, honorable, l'annonce de ces
grands débats nationaux autour des grandes questions de l'heure. J'ai hate.
Le pays prépare les funérailles nationales opulentes de notre
cher président sur la détresse de nos laisser compte engendrés par le
capitalisme dans sa version néolibérale, destructrice de toutes les protections
sociales et les conquêtes historiques.
Mais quand même, c'est triste et navrant d'avoir a dire adieu a René Préval,
mais surtout a un mapou. En effet, le mapou part tout nu, comme il était
venu dans le monde, nu comme un ver.
Va en paix, ti René sur les ruines fumantes d'Haïti, mais tout n'est pas perdu.
Cher Tardieu, va dire au mapou embaumé que tu as vu Sonet, et
d'autres, on n’est pas inactif, on se réunit, on s'organise, on prépare
l'avenir, si on est et resté encore dans le délai du temps.
Me Sonet
Saint Louis av.
Sous les bambous de nan Kafe
Grande
source, La Gonâve
Le 4 mars
2017