mardi 7 mars 2017

René Préval vu par Me Sonet Saint Louis


L'ancien président René Préval
La gauche et la droite jouissives corrompues, réactionnaires et la communauté internationale pleurent le départ de René Préval, le  Mapou du système traditionnel ancien. Des pages de Me Sonet Saint Louis. à l'honorable Jerry Tardieu, autour de la disparition du Président René Préval. Des pages à méditer, à critiquer, à corriger et même à réécrire.

Le beau monde pleure la disparition d'un mapou-géant. Mais, nous, de l'autre monde, nous ne sommes pas du tout en liesse,  mais pas pour les mêmes raisons finalement. Le Président Préval  est parti et a  laissé à ma génération et  à la postérité un pays en ruine, triste et solitaire. On ne s'attend pas a cette mort subite dans notre politique. Mais, il faut admettre ce principe immuable  de la nature : des qu'on est né, on n'est pas trop petit, ni trop vieux pour mourir. Cette disparition  surprend  et nous contraint  à la réflexion dans cet univers miné  contrôle, et  marqué surtout par une grande  sécheresse de la réflexion critique et de l'interrogation.

Dans cette société, on veut tout camoufler, tout  masquer, même l'évidence. L'évidence d'un chaos, d'un échec soigneusement entretenu et organisé durant  un règne. Ai-je le droit enfin, en tant que haïtien,  éduqué sur la base de la citoyenneté, de la solidarité et du patriotisme de faire le bilan de Préval, mon président et ultimement lui demander des comptes, et  à  tous ceux qui avait eu comme lui  la responsabilité suprême de gérer le bien public dans un contexte de rareté des ressources nationales disponibles ou faire cause commune à la bêtise triomphante ? 

Si l'exercice de ce droit est encore possible,  voilà en quoi et sur quoi  je veux livrer  mes impressions pour certains et des réflexions pour d'autres. Dans mon trou coucou, à la Gonâve,  loin de la modernité occidentale, mais bien sur loin  de l'hypocrisie de la société urbaine de Port au Prince, je suis ému  et ébloui de voir les concerts de louange Venus de partout qui inondent la presse haïtienne  suite au décès  du président Préval. Je remarque qu'il y a un grand travail de communication qui se fait autour de sa mémoire.  Quelle idée ont-ils de la politique et de la République ?

Ses amis le  présentent  comme un modèle à vendre, et à cultiver, mais en même temps  oublient que ce dernier avait eu  la responsabilité de conduire la destinée de toute une nation,  de travailler au bien être de chaque citoyen haïtien, non de gérer  les intérêts mesquins et égoïstes d'un petit cercle d'amis  restreints pour lesquels, il s'est réellement  tout donné et il a tout donné. Ces faiseurs de roi ne se  trompent pas réellement dans leur culte à ti  René, du moins,  c'est cette image, ou cette représentation minuscule  et singulière  qu’ils ont de la politique et de la gestion du bien commun.  Cette représentation est celle des classes dominantes. Ce discours fait partie de la stratégie des classes dirigeantes pour reproduire le modèle dominant actuel.
 
Le discours dominant relayé dans la presse du pouvoir d'État  est celui d'un Préval suave, gentleman,  aimant la vie, et le beau, disons mieux  un élément de bon commerce pour la classe. Ces critères de sélection et de perfection sociale font de lui, en vérité, un gars authentique, digne fils adore  d'une certaine aristocratie de caste, de race et de classe dans ce pays. Ce discours relègue en arrière plan  les actions de cet homme et renvoie aux oubliettes tout  questionnement, tout débat politique sérieux et pédagogique  sur la manière dont cet homme public a géré le bien commun pendant ses dix années de pouvoir.

En effet, ce discours  s'est fait chair et se répand  partout, avec force et insistance, à cause du complotisme des médias corrompus au service des classes dirigeantes régnantes. La gauche et la droite présentent  René Préval comme un exemple de réussite politique, pour  avoir réussi deux mandats présidentiels sans heurts,  dans un pays complexe et compliqué.

Dans ce pays, on ne se soucie pas du résultat, il suffit d'être madré. Il faut être madré, car être politicien en Haïti, c'est  d'abord  être capable de porter des coups bas à ses adversaires  et rivaux en politique. Ici, on a beaucoup de madrés, mais peu de politiciens capables de résoudre les problèmes fondamentaux du pays. Sur ce point, Préval fut un politicien madré, un arroseur, un cynique qui pensait pouvoir ridiculiser tout le monde, même son pays. Son coup fourre contre  Jacques Édouard Alexis, cet universitaire bien forme qu'il a traine dans la boue par jalousie et aigreur suffit pour s'en convaincre.

Dans notre conception, un chef d'État  est un citoyen qui marque  positivement l'État, qui le fabrique, lui donne une vision et une direction. Un chef d'État qui désacralise l'État, le fragilise ou le dépouille de ses institutions est un anarchiste, ennemi de l'État, et des citoyens desquels l'État a reçu sa légitimité et sa consécration.

Dans cette réflexion, je risque de me tromper en réalité au niveau communicationnel, politique  et conceptuel sur les notions de gauche et de droite en Haïti. Il y a une réelle confusion ici. Quand on parle de la gauche et de la droite, on est dans une dynamique de modernité politique. Or, chez nous,  il y a peu  de modernes, il n'y a que des madrés de la politique haïtienne.

Dans la société haïtienne, il n'y a  pas vraiment  positionnement idéologique. On ne sait pas non plus quel type de valeurs que défend  chaque courant. Les notions de droite  et  gauche renvoient en politique a une réelle  antinomie, une   opposition entre deux visions de l'État et de la société. En Haïti, nous sommes plutôt  en face d'une mafia de la gauche et la droite, coiffée par une grande mafia politique au niveau national et global."Droite et gauche”, suivant l'expression de mon savant Maitre,  docteur Osner Févry  adhèrent à la même doctrine de pillage systématique des caisses publiques. Elles conduisent la même politique au sein d'un même système contrôlé par le même petit cercle d'amis et de copains "droite et gauche".

La différence entre la droite dans sa version  Jean Claudiste et la gauche lavalasienne réside dans une tromperie organisée entre les deux courants pervers  La différence entre le secteur ", dit  démocratique"  et le secteur anti démocratique est  qu'ils sont tous deux secteurs anti démocratiques.

Dans cette énumération, il y a quand même démarcation, il faut en faire sérieusement. Nous ne devons pas être  trop catégoriques, ni  trop absolus, car, à gauche,  comme  à droite, il existe des échantillons d'hommes et de femmes patriotes et progressistes dans ce pays  pour lesquels je continue à avoir une grande admiration.

Le passage de René Préval   au pouvoir comme celui de beaucoup d'autres ne débouche sur rien de fondamental, sauf certains  détails farfelus mis en circulation pour les besoins du moment qui ne peuvent en réalité  amuser que certains  amuseurs et jouisseurs impénitents  habitués à sa table bien garnie.

La politique de Préval a été tout simplement un  désastre. Les institutions étaient bancales et n'étaient plus renouvelées à temps. Les élections qui constituent la voie démocratique par excellence  pour renouveler le personnel politique  n'étaient pas organisées. Aucune action, aucune mesure visant à renforcer la démocratie, les institutions et l'État de droit n'a été posée. Les actions posées par Préval dans le sens de la stabilité  politique du pays et la paix des rues  n'étaient  qu'une stratégie visant à assurer sa propre suprématie dans l'espace politique haïtien.

Le président Préval a totalement banalisé l'espace politique haïtien. Sous sa présidence la  corruption  continue de régner à tous les niveaux de l'État. Le vocable " grand mangeur (macrophages en français) a pris naissance sous l'administration de René Préval. Sa proximité avec le secteur des affaires a permis à son entourage de piller l'État. La création de la CNE et le grand mariage routier promis par ce dernier a été le grand mariage entre petits copains et copines, une grande unité retrouvée pour mettre les finances publiques à sac.

Dans l'opinion, on vante les tronçons de route construits par Préval, 10 ans après, regarde l'état  de délabrement de nos routes, et vous aurez une idée sur la façon dont notre  argent  a été dépensé. Dans le domaine économique, son administration avait mis en œuvre une politique qui a permis aux secteurs mafieux du pays de kidnapper l'économie  nationale  et la politique, notre bien commun. La politique de "privatisation-vente" des entreprises publiques décidée  par l'administration Préval  a été la plus grande violence économique faite à la société haïtienne. Une politique qui a condamné les laisser pour compte, les classes laborieuses, les masses rurales et urbaines au désespoir et à la mort irréversible.

Les accords de libre échange  signés  par René Préval avec les institutions financières internationales, notamment avec  les américains concernant l'importation du riz en Haïti  et  sa politique agraire  constituent deux éléments fondamentaux  de l'effondrement  de notre système agricole national.

Par ces accords le libre échange,  le marché assigne désormais à Haïti un rôle dans la division  internationale du travail et de l'économie globale du marché. Des lors, Haïti se trouve adhérée au credo néolibéral et est saisie par les principes du marché global.

On attend Haïti dans deux domaines: la constitution et la création des zones franches d'exportation, industrielles et  commerciales dans nos zones arabes et fertiles dans un contexte de main d'œuvre a bon marché et le tourisme, surtout le tourisme sexuel.  je ne doute pas que tu sois bien place dans ce nouvel ordre international en application ? Entre temps,  honorable comment va Royal Oasis ?

J'espère que ton entreprise  et d'autres sauront  comment frayer un chemin dans cet ordre international pour le bonheur de nos milliers de chômeurs haïtiens.

Il va sans dire que cette assignation du rôle d'Haïti dans cet ordre international ne soit pas une fatalité. On peut s'en détourner et s'assumer comme nation. Cette œuvre  de rédemption prochaine sera  celle des patriotes, non de Préval et son club de copains. C'est là où nous en sommes. Voilà, ce que les politiques ont décidé.

Honorable, les propos que tu as recueillis de René Préval ne  sont  que des  salades vertes. Elles sont destinées  aux  tables de "vérité, intite  lespwa" et le club de bourdon et ne seront  servies qu'à  l'occasion de ses obsèques copieusement et soigneusement programmés. Alors bon appétit messieurs et dames, mais évitez l'indigestion.


Il n'est pas surprenant que dans les dernières  minutes de sa vie, Préval comme d'habitude,  essaie de tromper tout le monde, et malheureusement cher Tardieu, dans ce jeu de dupe, tu n'as été qu'un simple couloir de transmission d'une parole de la mort, d'une nouvelle stratégie de la mort contrariée par la mort subite. Une mort répète-t-on enfin qui sauve et "soulage". Je te rappelle que Préval avait dirige mon pays en deux occasions avec la présence des forces occupantes sur le  territoire national. A aucun moment de sa présidence, les questions concernant la souveraineté nationale du pays n'ont été  posées. Au contraire, Préval au cours de son premier mandat présidentiel a pratiquement liquide  nos chars blindes, nos avions, les fusils rouilles de l'armée indigène, et de tout ce qui reste  des matériels de l'armée défunte, abolie par un arrêté présidentiel. On ne détruit pas une armée, parce qu'elle a réalisé des coups d'État contre le pouvoir civil, parce qu''elle est coupable des violations des droits humains. Le principe de la  suprématie du pouvoir civil sur l'institution militaire était une donnée  nouvelle en Amérique latine dans les années  80.

Cette transition du pouvoir militaire au pouvoir civil demandait  toute une pédagogie pour inculquer  à nos forces armées haïtiennes ces nouvelles valeurs démocratiques. Les forces armées en Amérique latine, omniprésentes  sur notre sol sacre sont passées  pour  champion dans la pratique des coups d'État. Pourtant,  les  nouvelles  démocraties en Amérique latine  ne les ont pas détruites, mais que des réformes intelligentes et audacieuses les ont  transformées et les ont mises au service de la démocratie naissante.

Cette décision de bannir une institution nationale, fondatrice de l'État a été maladroite et politiquement mal inspirée.  En effet, honorable, cet État dont  le  pouvoir législatif  auquel tu appartiens est Co-dépositaire de la souveraineté nationale,  n'existe pas, à partir du moment ou  René Préval  a signé avec la secrétaire d'État américain, madame Albright un  accord   permettant ainsi  aux policiers des États-Unis de procéder à l'arrestation d'un citoyen sur le sol d'Haïti pour le déporter  sur le sol américain.  L’État d'Haïti en réalité  n'existe que par procuration. Mais, en vérité, dans un pays où il y a tant de dirigeants incompétents,  sans honneur et sans dignité, on  trouvera quand même dans la postérité  deux ou trois citoyens  qui porteront l'honneur et la dignité de beaucoup d'autres. Cela est historique.

Je souligne  à l'attention de mes compatriotes  que le premier devoir d'un État est la sécurité de ses citoyens. Haïti, par  la signature de cet accord dans une certaine mesure   a renoncé à son devoir de protection judiciaire et diplomatique envers ses citoyens. Ses citoyens se trouvent désormais  livrés à l'arbitraire et aux injustices des nations, notamment les États-Unis. Permets-moi de souligner un aspect important du comportement de Préval : l'insouciance politique.

Le pourianisme cravachère dont il avait fait montre  après le séisme  de 2010 face à la gestion de l'aide internationale justifiait de manière scandaleuse le manque de leadership de ce dernier. Ses maladresses politiques  ont amené  le Parlement à voter une loi, créant une structure spéciale de gestion de l'aide internationale (CIRH), une machine infernale  faisant de Bill  Clinton, un ex président des États unis, l'ordonnateur des finances publiques haïtiennes, mais en réalité n'avait pas de compte à rendre  à personne. Il s'agit tout simplement de l'insouciance politique au plus haut sommet de l'État. Honorable, je ne devine pas ton projet de devenir le premier d'entre nous. Mais je vais te dire ce qu'on attend  de nos dirigeants.

Nous attendons  de vous, gouvernants que vous mettiez en œuvre de véritables  politiques publiques  qui  peuvent protéger nos enfants du danger, des politiques de sécurité humaine qui peuvent nous mettre à l'abri de toutes les vulnérabilités dont nous pouvons être victimes  tant sur le plan économiques, social, politique qu'en  environnemental.

La politique de la mort mise en œuvre par Préval  pendant ses deux mandats  a contribué à l'exil de nos  jeunes en république dominicaine et dans beaucoup de pays  de  l'Amérique latine. Ils savent  pourtant qu'ils n'y sont pas toujours les bienvenus, mais ils y vont quand même. Mais s'ils  y vont, honorable,  c'est parce que chez nous, l'économie nationale est extorquée par un petit groupe, et la porte de l'égalité  des chances leur est totalement fermée. Toujours dans l'intérêt de ce même petit groupe,  à la fin de son mandat, le président Préval avait une reforme  constitutionnelle qui crée un petit monstre quant à ses dangers d'application. Cet amendement concocté et rendu applicable enlève toute implication des masses urbaines et rurales dans le choix des membres du conseil électoral permanent.

La participation du peuple au processus politique de son pays est donc anéantie. Il était évident que Préval avait tente d'organiser un pouvoir oligarchique à travers la Constitution amendée de1987.  Puis- je comprendre que c'est dans cette optique que tu étais allé rendre cette ultime visite à René Préval, en ta qualité de président de la Commission de reforme de la Constitution?

A ma connaissance, René Préval, n'est pas le plus grand  constitutionnaliste du pays. Il y a quand même de quoi à se poser des questions. En effet, le travail de ta commission ne devra  pas précéder les débats sur les questions nationales et identitaires. Je connais ton souci pour l'implication des haïtiens de l'extérieur dans le processus politique de leur pays. Mais, il est absolument nécessaire dans ce contexte mondialise traverse par une crise identitaire  de connaitre : qui est haïtien et qui ne l'est pas ? On attend de ta commission,  honorable, l'annonce de ces grands débats nationaux autour des grandes questions de l'heure. J'ai hate.

Le pays prépare  les funérailles nationales opulentes  de notre cher  président sur la détresse de nos laisser compte engendrés par le capitalisme dans sa version néolibérale, destructrice de toutes les protections sociales et les conquêtes  historiques.

Mais quand même, c'est triste et navrant d'avoir a dire adieu a René Préval, mais surtout  a un mapou. En effet, le mapou part tout nu, comme il était venu dans le monde, nu comme un ver.


Va en paix, ti René sur les ruines fumantes d'Haïti, mais tout n'est pas perdu. Cher Tardieu, va dire au  mapou  embaumé  que tu as vu Sonet, et d'autres,  on n’est pas inactif, on se réunit, on s'organise, on prépare l'avenir, si on est et resté  encore dans le  délai du temps.

Me Sonet Saint Louis av.
Sous les bambous de nan Kafe
Grande source, La Gonâve
Le 4 mars 2017

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