Guy Philippe n'a pas eu de retenue, il a tout dit. |
Grande inquiétude au sein de ses anciens collaborateurs
Par Léo Joseph
Le verdict est connu pour le sénteur élu de la Grand’Anse. Il a
échappé à la peine maximale
d’au-delà de 25 ans. C’est ce qui
a été décidé suite aux négociations entre les procureurs fédéraux et les avocats de la défense. Maintenant tout le monde sombre
dans un autre genre d’attente. Car, présentement, les personnes qu’il
aurait dénoncées comme ayant
été impliquées, comme lui, dans
des activités illégales et/ou louches attendent, la mort dans
l’âme, le sort réservé par le destin. À coup sûr, une fois ficelés les
dossiers dont l’instruction se fait
maintenant, il n’y a aucun doute
que les documents relatifs aux demandes d’ « extradition » seront
acheminés à qui de droit.
En effet, lors d’une séance
éclair, qui a duré à peine dix minutes, le juge Cecilia Altonaga a
prononcé la sentence de Guy
Philippe fixée à neuf ans de réclusion. Probablement, il sera transféré à un centre de détention situé
dans un état différent de la
Floride. Là encore, il peut ne pas
passer toute sa période de détention dans une seule et même prison. C’était, par exemple, le régime auquel était astreint Jacques
Beaudouin Kétant, qui avait été
transféré au moins à trois reprises. Il semble que de telles précautions soient nécessaires pour
éviter que des ennemis du prisonnier ne cherchent à le localiser. On apprend que cette stratégie est
observée de manière récurrente
dans les cas de prisonniers gardés
en réserve comme « témoins à
charge » dans des procès devant
avoir lieu à l’avenir.
Dans certains milieux juridiques, aux États-Unis, on s’attendait â une décision suivant laquelle Philippe aurait écopé d’un verdict de 15 à 20 ans. Ceux qui entretenaient cette opinion se basaient sur l’hostilité initialement
affichée par le prisonnier à l’égard
du système judiciaire américain;
ou bien qui avait une notion erronée de ses possibilités de s’en tirer
à bon compte. Aussi les neuf ans
de détention qu’il a reçus ont-ils
donné à plus d’un l’occasion de
comprendre que les avocats de
Guy Philippe ont négocié la meilleure partie pour lui avec les autorités judiciaires fédérales.
De toute évidence, avant de
conclure que les preuves fournies
par le sénateur élu de la Grand’Anse avaient une quelconque
valeur, il fallait obtenir la vérification sur place. L’attitude subséquente des décideurs fédéraux
autorise à croire qu’on peutse fier
aux témoignages qu’il donnera, éventuellement sur serment, dans
le cadre des procès qui seront programmés. Cela signifie que l’intéressé a pris la décision d’offrir sa
« totale collaboration», car se
rendant à l’évidence de l’avantage qu’une telle attitude lui procure. Dès lors, il faut conclure aussi
qu’il ne fait aucune « réserve »
par rapport à ses anciens amis, collaborateurs et « collègues ».
Une stratégie initiale
inspirée par la naïveté
Durant les premiers jours qui ont
suivison arrestation suivie de son
transfert à la prison fédérale de
Miami, le 5 janvier de cette année, les amis de Philippe ont failli
mettre la défense sur une mauvaise pente.Après avoir, dans un premier temps, soutenu l’argument
de l’« enlèvement » de Guy Philippe, puis tenté de porter le juge
à déclarer irrecevable l’inculpation de leur client, une nouvelle stratégie a été introduite avec une
autre équipe d’avocats engagés
par l’accusé. De fait, il semble
que les premiers défenseurs préalablement chargés des dossiers
par Philippe se soient ou bien déportés, aient décidé de fuir le cas, ou encore d’abandonner le client
suite à un malentendu. En tout
cas, à observer l’évolution de l’affaire, la manière dont elle était initialement menée, tout laissait
croire que l’ancien haut gradé de
la Police nationale n’avait pas
bien saisi la gravité de son cas; et pensait que ses amis et alliés restés en Haïti pouvaient faire partie
de la stratégie face aux procureurs
fédéraux. Il paraît aussi que de la
prison étant, l’accusé gardait un itiques pouvaient faire reculer
les accusateurs de Philippe et
les forcer à « lâcher prise ». Mais les choses ont pris une
allure différente avec l’arrivé
de Me Allen Ross, un avocat
de Miami ayant une riche
expérience dans la défense des
trafiquants de drogue. Ce dernier était engagé pour doubler
l’avocate Zeljka Bozanik, qui
s’était chargée de la défense
après la seconde équipe d’avoccats.
Avec Me Ross à bord, il
semble que Guy Philippe ait
trouvé un nouveau discours. Puisque l’agressivité caractéristique de son attitude avant
avait fait place à la sérénité; et
ses « amis » avaient cessé de
parler d’organiser des manifestations. C’était après avoir fait
appel à Allen Ross qu’avaient
commencé les négociations
avec les procureurs fédéraux, qui devaient conduire à un
arrangement entre l’accusation
et la défense visant à réduire
les charges. Sur ces entrefaits, l’accusé avait décidé de plaider
coupable de blanchiment des
avoirs provenant de la vente de
cocaïne. En revanche, les procureurs fédéraux avaient résolu de laisser tomber les autres
accusations.
Dans le cadre de cet accord, Philippe s’est délié de toutes
responsabilités envers ses amis
et tous ceux avec qui il participait à des activités illicites. Grâce à ses révélations, les
agents de la Drug Enfoncement Administration,les représentants du Federal Bureau of
Investigation (FBI) et ceux du
Bureau of Alcohol, Tobacco, Firearms and Explosives
(ATF) sont en mesure de compléter des dossiers longtemps
en instruction, mais qui ne
pouvaient être bouclés, faute
d’informations fiables sur des
acteurs vaguement identifiés
ou connus seulement via des
tiers qui ne voulaient rien
contribuer à rendre les dossiers
« soutenables » devant un
juge.
En clair, donc, après avoir
fourni aux agences fédérales
un trésor d’informations sur la
pègre en Haïti, il est aisé de
comprendre pourquoi la peine
de Guy Philippe a été ainsi
allégé, donnant l’impression
qu’il bénéficiera de nouveaux
allègements, et qui pourraient
éventuellement se solder par
une nouvelle remise de sa
peine.
Qui sont les personnes
dénoncées par
Guy Philippe ?
Suite au verdict du juge Altonaga, en Haïti comme en diaspora, notamment sur les réseaux sociaux, les salons bourdonnent de rumeurs relatives aux dénonciations faites par
Guy Philippe. Dès lors, toutes
les conjectures sont de mise
concernant l’identité des individus en question. Certains ont
même déjà annoncé la mobilisation des marshals fédéraux
envoyés pour solliciter des extraditions. Au fait, des listes
dressées à qui mieux-mieux
sont échangées sur les média
sociaux. Mais rien ne transpire quant à la prochaine action des
autorités fédérales.
Bien qu’on ne puisse deviner l’identité des « victimes », on peut, par contre, donner
quelques pistes qui permettraient de faire des recoupements, sinon de corroborer certains faits longtemps mis sous
formes de « demis vérités».
En effet, selon des sources
proches des procureurs fédéraux, qui se font avares d’informations, tout en souhaitant
garder l’anonymat, les personnes dénoncées par M. Philippe sont de plusieurs catégories. Car, pour avoir évolué
dans le monde interlope, il est
en mesure d’identifier les différentes activités illicites auxquelles ont participé des catégories variées d’acteurs. En
tout cas, on parle d’un important brassage de millions qui
s’effectue dans la clandestinité
et dont les promoteurs s’efforcent en permanence de tromper la vigilance des institutions
chargées d’en assurer la surveillance.
On parle de trafiquants de
drogue. Cette catégorie est la
plus diversifiée et participe à
toute une série d’activités corollaires. Détenteurs de fortes
sommes d’argent, qui doivent
être mobilisées, tout en assurant leur sécurité, ces personnes font des placements en
liquide dans les banques; achètent des véhicules argent
comptant (payés en liquide), des propriétés vacantes, constructions inachevées; ou bien de telles valeurs sont placées
chez les notaires qui s’érigent
en véritables rivaux des institutions bancaires. Mais celles-ci
sont utilisées parce qu’elles
peuvent, à l’occasion, recourir
à des méthodes clandestines
pour effectuer des transferts
sur des banques étrangères durant les périodes où les gardiens baissent la garde.
Selon ces mêmes sources, les trafiquants organisent des
consortiums d’hommes d’affaires qui aident à défrayer le
coût des grosses cargaisons de
drogue, dont un exemple parfait peut être le « bateau Acra »
ou « bateau sucré ». La stratégie mise en place pour faire
aboutir une cargaison pareille à
celle que transportait le
Manzanares avait réuni toute
une série de compétences, permettant non seulement de dissimuler l’identité des acteurs, mais encore et surtout de
dérouter les autorités policières. Pour le reste, « on s’en
chargera », car il est possible
de soudoyer les autorités préposées à la surveillance de ce
genre d’activités.
On rapporte que Guy
Philippe a donné de précieuses
informations concernant des
«hangars télécommandés » où
sont entreposées les cargaisons
de cocaïne, d’héroïne, de marijuana et d’autres substances illicites. On laisse croire que
ces sites sont étroitement surveillés par des agents de sécurité lourdement armés, qui
tiennent les personnes non
autorisées à distance 24/24. Ceux qui osent s’aventurer à
ces lieux le font à leurs risque
et péril, car étant susceptible de
ne plus retourner à leurs
familles.
De l’avis de ces informateurs, les banques qui acceptent des dealers de drogue pour
clients ne peuvent disposer de
l’argent liquide qu’elles détiennent par les méthodes régulières. Les institutions dont les
dirigeants non pas de scrupules
trouvent desmoyens détournés
pour faire aboutir l’argent de
leurs clients aux banques correspondantes basées à l’étranger. Il s’agit d’un service exceptionnellement lucratif, les
clients étant toujours prêts à y
mettre le prix, pourvu que son
expédition arrive « à destination sans problème ».
Une autre activité illicite
identifiée, dit-on, par Guy
Philippe est celle qui facilite la
vente d’armes illégales. Les «
hangars télécommandés » sont
également exploités à cette fin. On affirme que, d’une manière
générale, les armes introduites
dans le pays arrivent clandestinement par la Douane et en
sont extraites grâce à la coopération du personnel de l’institution aidant à faire « disparaître» ces armes illégales.
Dans le cas des armes importées sans qu’elles ne passent par la Douane, elles sont
transportées à des sites éloignés immédiatement après
leur débarquement à des débarcadères isolés. À l’instar
des balles de cocaïne larguées
par des avions clandestins, sur
des plages éloignées, des véhicules escortés d’hommes lourdement armés sont envoyésles
récupérer pour les ramener à la
capitale.
On ne peut savoir au juste
ce que Guy Philippe a offert
aux autorités fédérales. Mais
tout laisse croire que celles-ci
s’estiment d’ores et déjà satisfaites et qu’il ne leur reste que
de passer de la parole aux
actes.
L.J.
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