mercredi 28 juin 2017

Guy Philippe condamné à 9 ans, bientôt les retombées de sa coopération

Guy Philippe n'a pas eu de retenue, il a tout dit.
 BIENTÔT LES RETOMBÉES DE SA COOPÉRATION

Grande inquiétude au sein de ses anciens collaborateurs

Par Léo Joseph

Le verdict est connu pour le sénteur élu de la Grand’Anse. Il a échappé à la peine maximale d’au-delà de 25 ans. C’est ce qui a été décidé suite aux négociations entre les procureurs fédéraux et les avocats de la défense. Maintenant tout le monde sombre dans un autre genre d’attente. Car, présentement, les personnes qu’il aurait dénoncées comme ayant été impliquées, comme lui, dans des activités illégales et/ou louches attendent, la mort dans l’âme, le sort réservé par le destin. À coup sûr, une fois ficelés les dossiers dont l’instruction se fait maintenant, il n’y a aucun doute que les documents relatifs aux demandes d’ « extradition » seront acheminés à qui de droit.

En effet, lors d’une séance éclair, qui a duré à peine dix minutes, le juge Cecilia Altonaga a prononcé la sentence de Guy Philippe fixée à neuf ans de réclusion. Probablement, il sera transféré à un centre de détention situé dans un état différent de la Floride. Là encore, il peut ne pas passer toute sa période de détention dans une seule et même prison. C’était, par exemple, le régime auquel était astreint Jacques Beaudouin Kétant, qui avait été transféré au moins à trois reprises. Il semble que de telles précautions soient nécessaires pour éviter que des ennemis du prisonnier ne cherchent à le localiser. On apprend que cette stratégie est observée de manière récurrente dans les cas de prisonniers gardés en réserve comme « témoins à charge » dans des procès devant avoir lieu à l’avenir.

Dans certains milieux juridiques, aux États-Unis, on s’attendait â une décision suivant laquelle Philippe aurait écopé d’un verdict de 15 à 20 ans. Ceux qui entretenaient cette opinion se basaient sur l’hostilité initialement affichée par le prisonnier à l’égard du système judiciaire américain; ou bien qui avait une notion erronée de ses possibilités de s’en tirer à bon compte. Aussi les neuf ans de détention qu’il a reçus ont-ils donné à plus d’un l’occasion de comprendre que les avocats de Guy Philippe ont négocié la meilleure partie pour lui avec les autorités judiciaires fédérales.

De toute évidence, avant de conclure que les preuves fournies par le sénateur élu de la Grand’Anse avaient une quelconque valeur, il fallait obtenir la vérification sur place. L’attitude subséquente des décideurs fédéraux autorise à croire qu’on peutse fier aux témoignages qu’il donnera, éventuellement sur serment, dans le cadre des procès qui seront programmés. Cela signifie que l’intéressé a pris la décision d’offrir sa « totale collaboration», car se rendant à l’évidence de l’avantage qu’une telle attitude lui procure. Dès lors, il faut conclure aussi qu’il ne fait aucune « réserve » par rapport à ses anciens amis, collaborateurs et « collègues ».

Une stratégie initiale inspirée par la naïveté

Durant les premiers jours qui ont suivison arrestation suivie de son transfert à la prison fédérale de Miami, le 5 janvier de cette année, les amis de Philippe ont failli mettre la défense sur une mauvaise pente.Après avoir, dans un premier temps, soutenu l’argument de l’« enlèvement » de Guy Philippe, puis tenté de porter le juge à déclarer irrecevable l’inculpation de leur client, une nouvelle stratégie a été introduite avec une autre équipe d’avocats engagés par l’accusé. De fait, il semble que les premiers défenseurs préalablement chargés des dossiers par Philippe se soient ou bien déportés, aient décidé de fuir le cas, ou encore d’abandonner le client suite à un malentendu. En tout cas, à observer l’évolution de l’affaire, la manière dont elle était initialement menée, tout laissait croire que l’ancien haut gradé de la Police nationale n’avait pas bien saisi la gravité de son cas; et pensait que ses amis et alliés restés en Haïti pouvaient faire partie de la stratégie face aux procureurs fédéraux. Il paraît aussi que de la prison étant, l’accusé gardait un itiques pouvaient faire reculer les accusateurs de Philippe et les forcer à « lâcher prise ». Mais les choses ont pris une allure différente avec l’arrivé de Me Allen Ross, un avocat de Miami ayant une riche expérience dans la défense des trafiquants de drogue. Ce dernier était engagé pour doubler l’avocate Zeljka Bozanik, qui s’était chargée de la défense après la seconde équipe d’avoccats.


Guy Philippe et sa femme Natalie, une seṕ ration difficile.


Avec Me Ross à bord, il semble que Guy Philippe ait trouvé un nouveau discours. Puisque l’agressivité caractéristique de son attitude avant avait fait place à la sérénité; et ses « amis » avaient cessé de parler d’organiser des manifestations. C’était après avoir fait appel à Allen Ross qu’avaient commencé les négociations avec les procureurs fédéraux, qui devaient conduire à un arrangement entre l’accusation et la défense visant à réduire les charges. Sur ces entrefaits, l’accusé avait décidé de plaider coupable de blanchiment des avoirs provenant de la vente de cocaïne. En revanche, les procureurs fédéraux avaient résolu de laisser tomber les autres accusations.

Dans le cadre de cet accord, Philippe s’est délié de toutes responsabilités envers ses amis et tous ceux avec qui il participait à des activités illicites. Grâce à ses révélations, les agents de la Drug Enfoncement Administration,les représentants du Federal Bureau of Investigation (FBI) et ceux du Bureau of Alcohol, Tobacco, Firearms and Explosives (ATF) sont en mesure de compléter des dossiers longtemps en instruction, mais qui ne pouvaient être bouclés, faute d’informations fiables sur des acteurs vaguement identifiés ou connus seulement via des tiers qui ne voulaient rien contribuer à rendre les dossiers « soutenables » devant un juge.

En clair, donc, après avoir fourni aux agences fédérales un trésor d’informations sur la pègre en Haïti, il est aisé de comprendre pourquoi la peine de Guy Philippe a été ainsi allégé, donnant l’impression qu’il bénéficiera de nouveaux allègements, et qui pourraient éventuellement se solder par une nouvelle remise de sa peine.

Qui sont les personnes dénoncées par Guy Philippe ?

Suite au verdict du juge Altonaga, en Haïti comme en diaspora, notamment sur les réseaux sociaux, les salons bourdonnent de rumeurs relatives aux dénonciations faites par Guy Philippe. Dès lors, toutes les conjectures sont de mise concernant l’identité des individus en question. Certains ont même déjà annoncé la mobilisation des marshals fédéraux envoyés pour solliciter des extraditions. Au fait, des listes dressées à qui mieux-mieux sont échangées sur les média sociaux. Mais rien ne transpire quant à la prochaine action des autorités fédérales.

Bien qu’on ne puisse deviner l’identité des « victimes », on peut, par contre, donner quelques pistes qui permettraient de faire des recoupements, sinon de corroborer certains faits longtemps mis sous formes de « demis vérités».

En effet, selon des sources proches des procureurs fédéraux, qui se font avares d’informations, tout en souhaitant garder l’anonymat, les personnes dénoncées par M. Philippe sont de plusieurs catégories. Car, pour avoir évolué dans le monde interlope, il est en mesure d’identifier les différentes activités illicites auxquelles ont participé des catégories variées d’acteurs. En tout cas, on parle d’un important brassage de millions qui s’effectue dans la clandestinité et dont les promoteurs s’efforcent en permanence de tromper la vigilance des institutions chargées d’en assurer la surveillance.

On parle de trafiquants de drogue. Cette catégorie est la plus diversifiée et participe à toute une série d’activités corollaires. Détenteurs de fortes sommes d’argent, qui doivent être mobilisées, tout en assurant leur sécurité, ces personnes font des placements en liquide dans les banques; achètent des véhicules argent comptant (payés en liquide), des propriétés vacantes, constructions inachevées; ou bien de telles valeurs sont placées chez les notaires qui s’érigent en véritables rivaux des institutions bancaires. Mais celles-ci sont utilisées parce qu’elles peuvent, à l’occasion, recourir à des méthodes clandestines pour effectuer des transferts sur des banques étrangères durant les périodes où les gardiens baissent la garde.

Selon ces mêmes sources, les trafiquants organisent des consortiums d’hommes d’affaires qui aident à défrayer le coût des grosses cargaisons de drogue, dont un exemple parfait peut être le « bateau Acra » ou « bateau sucré ». La stratégie mise en place pour faire aboutir une cargaison pareille à celle que transportait le Manzanares avait réuni toute une série de compétences, permettant non seulement de dissimuler l’identité des acteurs, mais encore et surtout de dérouter les autorités policières. Pour le reste, « on s’en chargera », car il est possible de soudoyer les autorités préposées à la surveillance de ce genre d’activités.

On rapporte que Guy Philippe a donné de précieuses informations concernant des «hangars télécommandés » où sont entreposées les cargaisons de cocaïne, d’héroïne, de marijuana et d’autres substances illicites. On laisse croire que ces sites sont étroitement surveillés par des agents de sécurité lourdement armés, qui tiennent les personnes non autorisées à distance 24/24. Ceux qui osent s’aventurer à ces lieux le font à leurs risque et péril, car étant susceptible de ne plus retourner à leurs familles.

De l’avis de ces informateurs, les banques qui acceptent des dealers de drogue pour clients ne peuvent disposer de l’argent liquide qu’elles détiennent par les méthodes régulières. Les institutions dont les dirigeants non pas de scrupules trouvent desmoyens détournés pour faire aboutir l’argent de leurs clients aux banques correspondantes basées à l’étranger. Il s’agit d’un service exceptionnellement lucratif, les clients étant toujours prêts à y mettre le prix, pourvu que son expédition arrive « à destination sans problème ».

Une autre activité illicite identifiée, dit-on, par Guy Philippe est celle qui facilite la vente d’armes illégales. Les « hangars télécommandés » sont également exploités à cette fin. On affirme que, d’une manière générale, les armes introduites dans le pays arrivent clandestinement par la Douane et en sont extraites grâce à la coopération du personnel de l’institution aidant à faire « disparaître» ces armes illégales.

Dans le cas des armes importées sans qu’elles ne passent par la Douane, elles sont transportées à des sites éloignés immédiatement après leur débarquement à des débarcadères isolés. À l’instar des balles de cocaïne larguées par des avions clandestins, sur des plages éloignées, des véhicules escortés d’hommes lourdement armés sont envoyésles récupérer pour les ramener à la capitale.

On ne peut savoir au juste ce que Guy Philippe a offert aux autorités fédérales. Mais tout laisse croire que celles-ci s’estiment d’ores et déjà satisfaites et qu’il ne leur reste que de passer de la parole aux actes.

L.J.

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