Mirlande Manigat, secrétaire générale du RDNP |
Depuis quelque temps, le RDNP s’est abstenu de prendre une position officielle, mises à part quelques interventions ponctuelles sur des questions d’actualité. Il avait préféré observer, écouter, enregistrer les opinions des uns et des autres, multiplier les contacts avec d’autres compatriotes engagés. Ce silence avait paru incompréhensible d’autant plus que l’évolution de la conjoncture confirmait, malheureusement, les analyses publiées par la Secrétaire Générale l’année dernière, particulièrement dans deux écrits Ce que je crois et Ce que je crois encore. Ces propositions n’avaient pas été comprises et cela suscite non un sentiment d’orgueil frustré mais de déception assortie d’une angoisse pour le lendemain.
Le parti attendait le passage de certaines étapes annoncées dans une conjoncture porteuse d’événements avant de se prononcer : le Rapport de la CIEVE, les discussions entourant la fin du mandat du Président Privert, les premières décisions du CEP, la politique pratiquée par les deux Chambres du Parlement, leur rôle, alors que la deuxième session de l’année a déjà commencé et qu’un agenda législatif copieux attend les parlementaires. Un complexe de problèmes dont chacun réclame une attention spécifique mais capable d’affecter l’issue des autres.
Sur ces différentes questions, le RDNP tient à rendre publiques les conclusions auxquelles il est parvenu après des discussions internes.
1. Le Rapport de la CIEVE est techniquement bien construit, sur la base de méthodes statistiques convaincantes et en application de normes utilisées par des instituts de sondage, particulièrement l’efficacité conceptuelle de l’échantillonnage. Il a été largement accepté, mais le travail était condamné à être politiquement insuffisant car il n’y avait pas de consensus préalable sur ce que l’on attendait de la Commission. Si de graves manquements ont été révélés au sujet des élections de l’an dernier, on était en droit d’espérer que l’ampleur des fraudes devrait normalement conduire, au nom de la morale publique, à la révélation de l’identité des fraudeurs et à la sanction requise contre eux en pareil cas. De ce fait, le Rapport est insuffisant non par défaut de sérieux ou par suite de la mauvaise foi des auteurs, mais par manque d’audace.
2. La question de la fin du mandat du Président Privert. L’élection du Sénateur Privert fait référence à deux textes : d’un côté l’Accord tripartite du 5 février qui est politique et sans base constitutionnelle et juridique, mais il a été largement accepté comme une sorte de bouée de sauvetage désespéré dans la confusion et les inquiétudes de l’époque, et sans un nécessaire examen prospectif de ses implications; son exégèse, en particulier la fameuse expression grammaticale le cas échéant, nourrit actuellement les commentaires et les extrapolations. Le second est le deuxième paragraphe de l’Article 149 de la Constitution de 1987 amendée. Le hasard de la rédaction juridique fait que les deux mentionnent les 120 jours qui auraient pu servir de référence de base, mais il convient de souligner que nos traditions constitutionnelles et légales manipulent le temps et elles incluent souvent non des références mais des dates formelles qui sont rarement respectées, car elles butent, le plus souvent, sur les tyrannies de l’actualité. Tel est ce qui transpire du débat actuel.
Nous estimons que le mandat du Président Privert n’a pas de terme juridiquement acceptable, et au lieu de s’arc-bouter sur une date, on devrait considérer le contenu du mandat, à savoir, superviser les élections annoncées. Aussi, point n’est besoin d’attendre une décision de l’Assemblée Nationale : si elle a été une autorité de nomination constitutionnellement prescrite dans le deuxième paragraphe de l’Article 149 de la Constitution amendée, elle n’est pas nécessairement un organe appelé à déterminer le terme d’un mandat qu’il aura octroyé. Il serait toutefois souhaitable qu’elle abonde dans le sens de la raison et du réalisme : le pays ne peut pas vivre la complication qui devrait normalement surgir si le mandat du Président Provisoire devrait être remis en cause, car il n’y a pas de formule constitutionnellement acceptable de remplacement. L’amendement intervenu en 2011 a définitivement confirmé la caducité du recours à la Cour de Cassation, une formule inaugurée en 1950 pour remplacer une autre utilisée depuis 1806, laquelle confiait aux Secrétaires d’Etat le soin d’exercer l’autorité exécutive en cas de vacance présidentielle. Il est bon, par ailleurs, de souligner que le premier paragraphe du nouvel Article 149 qui traite de celle-ci précise quatre cas formels de remplacement par le Conseil des Ministres sous la présidence du Premier Ministre : la démission, la destitution, le décès et l’incapacité physique ou mentale permanente dûment constatée. Ainsi, le Droit qui en la circonstance est d’application stricte, la logique, le bon sens et le souci de la stabilité publique conduisent à souhaiter que le Président Privert demeure à son poste, supervise l’organisation des élections jusqu’à l’échéance du 7 février 2017.
3. Les élections annoncées. Le RDNP n’avait pas pris part aux élections de 2015 car le CEP de l’époque et les conditions politiques n’auguraient pas la régularité des consultations. Le nouveau CEP, le 18ème depuis la publication de la Constitution de 1987 (alors que, il faut le souligner, un seul provisoire était prévu selon l’Article 289 des dispositions transitoires) s’est engagé à organiser des élections techniquement et politiquement satisfaisantes. Il est permis de douter qu’il parvienne à restructurer la machine en quatre mois, mais jusqu’à preuve du contraire, il n’est pas naïf ou imprudent de lui accorder un certain bénéfice.
Le RDNP ne participera pas aux élections présidentielles mais il décidera, au moment opportun, d’accorder son appui à l’un des candidats inscrits. Mais le parti sera enregistré auprès du CEP pour participer aux élections du tiers du Sénat et ce sera fait dans les prochains jours.
Il est souhaitable que les citoyens du pays se rendent compte de la gravité de la situation politique alors que des problèmes de survie affectent la population. Par-dessus tout, il faut que l’on s’attelle à construire patiemment l’état de droit, la soumission de tous, en premier lieu l’Etat et ses représentants, aux règles juridiques, à condition que la Constitution, la loi-mère, soit revue, repensée et qu’une nouvelle version parvienne à réformer les institutions, installer un régime politique cohérent, en particulier repenser le système électoral afin de réduire la fréquence insensée des consultations dans le pays. Dans cette double tâche, dans la grisaille de la mêlée actuelle, en ayant comme boussole l’intérêt de la nation, le RDNP répondra présent et sera toujours disponible.
Port-au-Prince, le 19 juin 2016
Mirlande MANIGAT
Secrétaire Générale
Aucun commentaire:
Publier un commentaire