vendredi 12 mai 2017

Extradition, que disent la loi et les traités signés par Haïti ?

                                                
                                                                                      
Parenthèse juridique Est-ce qu’Haïti peut extrader son propre citoyen ? Les États-Unis sont-ils tenus de faire droit à une demande d’extradition produite par Haïti ? Parenthèse juridique répond à ces questions et à bien d’autres…

Le Nouvelliste : C’est quoi l’extradition ?

Me Patrick Laurent : Aux termes de l’article 1er de la loi du 27 août 1912 publiée dans le journal Le Moniteur du 4 décembre 1912, l’extradition est « l’acte par lequel un État livre à un autre État, sur sa demande, un individu prévenu, accusé d’avoir commis telle infraction déterminée par la loi ou par les traités ou condamné pour l’avoir commise sur le territoire de l’État qui le réclame, afin de le faire juger par l’autorité compétente ou de lui faire subir sa peine ».

Le Nouvelliste : Est-ce que l’extradition peut être demandée et accordée pour n’importe quelle infraction ?

Me Patrick Laurent : Selon l’article 2 de la loi du 27 août 1912, pour accorder l’extradition d’un individu, l’infraction (la faute) commise par ce dernier doit être qualifiée de crime et punie d’une peine afflictive ou infamante par la législation de l’État sur le territoire duquel l’infraction a été commise.

Le Nouvelliste : Est-ce qu’Haïti peut extrader son propre citoyen ?

Me Patrick Laurent : Il est précisé à l’article 4 de la loi sur l’extradition suscitée qu’Haïti ne livrera pas les Haïtiens à un pays étranger sous prétexte d’extradition. De plus, la Constitution haïtienne en son article 41 dispose : « Aucun individu de nationalité haïtienne ne peut être déporté ou forcé de laisser le territoire national pour quelque motif que ce soit. Nul ne peut être privé, pour des motifs politiques, de sa capacité juridique et de sa nationalité. » Outre ces textes suscités, l’article 42 de la Constitution est formel en précisant qu’aucun citoyen civil ou militaire ne peut être distrait des juges que la Constitution et les lois lui assignent.

Le Nouvelliste : Existe-t-il une convention signée par Haïti autorisant un État étranger à venir procéder à l’arrestation d’un Haïtien en Haïti pour drogue ou pour autre motif ?

Me Patrick Laurent : Il n’existe aucune convention signée entre Haïti et un État étranger permettant de procéder à l’arrestation d’un citoyen haïtien en Haïti pour quelque motif que ce soit. Cependant, on assiste de fait à l’arrestation en Haïti de citoyens haïtiens pour trafic illicite de stupéfiants sous prétexte que l’accord entre Haïti et les États-Unis, ratifié par Haïti concernant la coopération en vue de mettre fin au trafic illicite par mer de la drogue, signé le 17 octobre 1997, ratifié en date du 19 décembre 2000 et publié dans Le Moniteur no 59 du jeudi 25 juillet 2002, aurait autorisé une telle pratique.

Pour l’histoire, nous reproduisons l’article 16 dudit accord concernant les compétences juridictionnelles : « Dans tous les cas qui surviennent dans les eaux haïtiennes ou qui concernent des navires sous pavillon haïtien se trouvant au large de la mer territoriale de n’importe quel pays, le gouvernement de la République d’Haïti a le droit fondamental d’exercer sa juridiction sur un navire immobilisé, la cargaison et les personnes à bord y compris la saisie, la confiscation, l’arrestation et les poursuites. Cependant, le gouvernement de la République d’Haïti peut, dans le respect de sa Constitution et de sa législation, renoncer à ce droit fondamental et autoriser à appliquer la législation des États-Unis à l’encontre du navire, de la cargaison et des personnes à bord. »

Le Nouvelliste : Peut-on exiger l’extradition d’un individu qui a commis une infraction (crime) politique ?

Me Patrick Laurent : L’extradition ne peut être accordée lorsque l’infraction qui a été commise a un caractère politique, ce aux termes de l’article 8, alinéa 1er de la loi du 27 août 1912 sur l’extradition qui se lit ainsi : « Lorsque l’individu dont l’extradition est demandée sera prévenu ou accusé d’un crime ou d’une tentative de crime politique ou aura été condamné pour un crime ou pour une tentative de crime politique, ou pour un fait connexe à un crime politique, l’extradition ne sera pas accordée. »

Le Nouvelliste : Existe-t-il un traité d’extradition entre Haïti et d’autres États ?

Me Patrick Laurent : Certainement. Nous pouvons citer le traité d’extradition entre Haïti et l’Angleterre signé le 7 décembre 1874, le traité d’extradition entre Haïti et les Etats-Unis d’Amérique signé le 9 août 1904.

Le Nouvelliste : Les États-Unis sont-ils tenus de faire droit à une demande d’extradition produite par Haïti ?

Me Patrick Laurent : Absolument, pourvu que cette demande soit produite pour une infraction de droit commun, laquelle infraction est listée à l’article 2 du traité d’extradition signé entre les deux pays en date du 9 août 1904 qui se lit ainsi : « Les crimes pour lesquels l’extradition doit être accordée sont les suivants :
1) meurtre , assassinat, parricide, infanticide, empoisonnement et homicide volontaire ;
2) contrefaçon des monnaies, soit métallique, soit papier, émission ou mise en circulation de la fausse monnaie ou de la monnaie altérée, introduction de la fausse monnaie ou de la monnaie altérée sur le territoire de l’une des parties contractantes ; …
3) faux en écriture publique ou privée, usage de faux ;
4) vol commis soit à main armée, soit avec violence ou menaces, soit dans les chemins publics;
5) vol avec effraction, escalade, fausse clef ou commis la nuit dans un lieu habité ou servant d’habitation…
6) viol ;
7) bigamie ;
8) enlèvement de mineurs…»

Cependant, l’article 4 du traité du 9 août 1904 signé entre Haïti et les États-Unis dispose : « Aucune des parties contractantes ne sera tenue de livrer ses propres citoyens. »

Robenson Geffrard

Publié le 2017-01-05 | Le Nouvelliste

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