mercredi 31 mai 2017

Un confrère, un combattant, un patriote, un humaniste est parti !

Dr Turneb Delpé

LE DECES DE TURNEB DELPE

Nous saluons le départ du Dr. Turneb Delpé, l’un de ceux qui a toujours tendu un miroir de vérité à la société haïtienne tout en lui indiquant la meilleure voie à emprunter pour un changement qualitatif durable. Il s’agit de ce passage obligé qui doit orienter les débats vers une réelle transformation des conditions matérielles d’existence du peuple haïtien. La « Conférence nationale », puisqu’il faut l’appeler par son nom, semble soulever la torpeur chez nombre de dirigeants traditionnels. Nous ne comprenons pas pourquoi un tel exercice démocratique de mise en commun des idées et des énergies soulève tant d’inquiétudes et de méfiance chez ceux qui se disent démocrates et qui prétendent vouloir faire bouger les lignes. Heureusement que ce dialogue qu’il appelle de tous ses vœux depuis un certains temps pour un changement de paradigme trouve encore l’accord et l’écho favorables des formations politiques et sociales avec lesquelles il a collaboré.

Jeunes résidents du « bas-peu-de-chose », nous nous fréquentions de loin avec toujours ce sentiment d’appartenance et de solidarité de quartier qui se manifestait chaque fois que l’occasion se présentait. Nous nous sommes retrouvés sur la cour de la faculté de médecine et de pharmacie de Port-au-Prince  à la rue Oswald Durand où il avait déjà acquis une conscience sociale bien aiguisée, une certaine connaissance du milieu, un engagement politique assumé, mais contraint à une certaine clandestinité car nous étions encore sous le joug du régime dictatorial des Duvalier. Il ne ratait pas une occasion pour tenter de recruter d’autres  étudiants qu’il pensait avoir la même vision de société et la même orientation politique que lui. Nous avons vraiment commencé à nous pratiquer politiquement au lendemain du 7 février 1986, au départ de Jean-Claude Duvalier, où l’essentiel du combat consistait désormais à empêcher la résurgence du duvaliérisme sans Duvalier et à faire avancer l’agenda d’implantation de la Démocratie de manière durable au pays. S’il a vu un certain repli et une sorte de mutation de l’obscurantisme duvalieriste, il n’a malheureusement pas vu l’implantation d’une réelle démocratie ni le développement équilibré et moderne de la société  dont il rêvait.

Combattant politique honnête et courageux, Turneb Delpé, du temps de sa jeunesse militante en 1985, s’est retrouvé au sein du PPLN aux côtés du Dr Lyonel Laîné et d’autres dans un mouvement anti duvaliériste de libération qui lui a valu de connaitre la prison des Duvalier. Il a ensuite repris le flambeau du PPLN et continué son combat avec le PNDPH, deux partis politiques où il a donné, de manière désintéressée, avec patriotisme et humanisme, sa participation active pour le triomphe de leurs idéaux au service de la nation.

C’est aussi dans ce parcours remarquable de citoyen concerné et engagé qu’on le retrouva en 1990 au Sénat de la République comme l’un des représentants du FNCD à la 45eme législature. Il s’est battu comme il pouvait en cette période euphorique post-dictatoriale pour apporter les correctifs nécessaires à ce large mouvement social qui avait émergé et qui commençait déjà à dériver…Face à l’incompréhension, au manque de vision et à l’appétit de pouvoir des uns et des autres qui se croyaient doter d’une mission sacro-sainte et qui ne se devaient de respecter aucune règle, même minimale, d’organisation et de pratique politiques, il dû battre en retraite pour rebondir plus tard…

Cet infatigable combattant de la Démocratie, ce patriote déterminé, dans son port fier et altier, cultivait aussi une certaine élégance qui rassurait ses amis et partisans et désarçonnait ses adversaires…Dans son langage haché et ferme, homme de conviction et de principe, il a combattu le coup d’Etat militaire de  1991 en exigeant des négociations pour le retour à l’ordre constitutionnel. Depuis, il ne ratait jamais une occasion de faire le plaidoyer et la promotion de ce large, franc et patriotique dialogue qu’il estime être la voie royale pour la réconciliation nationale et une véritable sortie de cette crise de transition qui traîne en longueur.

Sans toujours partager la même lecture de la dynamique sociale haïtienne, ni les mêmes repères idéologiques, nous nous sommes pourtant retrouvés dans des valeurs démocratiques minimales au sein de la plupart des tentatives de fédération, de regroupement des forces et initiatives politiques, populaires et progressistes à la recherche d’unité et d’un projet commun pour faire avancer la lutte pour le respect des libertés publiques et l’avènement de plus de justice sociale. Cela passait aussi par le « Comité de liaison des forces démocratiques », le « Groupe 57 », le « Front national de concertation » (FNC), le « Front national pour le changement et la démocratie » (FNCD) et j’en passe. Au sein du FNCD, du lieu de sa formation et fort de sa compréhension du moment politique, il a participé à l’accession au pouvoir du « Secteur démocratique » en Haïti ; un mouvement sociopolitique qui, dans son essence, charriait beaucoup d’espoir et qui, dans les faits, a connu tant de déboires, de revers et de déconvenues…

Aujourd’hui, comme nous, membre du « Mouvement Patriotique Populaire Dessalinien »  (MOPOD), il n’a jamais marchandé son concours ni ses efforts pour faire avancer la lutte vers ses objectifs primordiaux. Nous pensons être encore au beau milieu de la bourrasque. Nous croyons qu’il reste encore beaucoup à faire à la lumière de ce que nous partageons comme idéal avec ce grand patriote qu’a été et qu’est encore Turneb Delpé même après sa mort. Le corps part, se transforme mais les idées demeurent. Nous ne pouvons que saluer humblement la sortie de scène de cet homme qui a dédié sa vie au service public, sans rémunération aucune, au prix de nombreux sacrifices, afin d’ouvrir de meilleures perspectives au peuple haïtien.

Nous présentons nos sincères condoléances à sa femme, à son fils et à toute la famille. Nous partageons aussi ce deuil avec ses amis, ses proches collaborateurs, les militants du PNDPH et du MOPOD, avec tous ceux et celles que cette perte prématurée afflige. Nous leur souhaitons du courage, comme il nous en faut aussi à nous, pour traverser cette nouvelle épreuve. Nous nous découvrons respectueusement devant la dépouille ce citoyen à la simplicité légendaire pour souhaiter à notre cher confrère, notre camarade de combat, ce loyal collaborateur, ce patriote intègre, à notre ami « Pépé », une tranquille et inéluctable métamorphose par laquelle nous passerons tous. Que tu saches aussi, comme tu l’aurais toi-même souhaité, qu’au delà des clivages idéologiques souvent dus à des malentendus, à des concepts mal assimilés et à de l’intolérance mal placée, en conservant les valeurs républicaines et notre sensibilité sociale affirmée, nous poursuivons le combat pour le Changement et la Démocratie. Cette démarche patriotique aspire à un développement intégral et intégré de notre chère Haïti. La quête du projet national continue. Tu as bien travaillé. Repose en paix.

Port-au-Prince, le 31 mai 2017
Dr Dunois Erick Cantave

KONAKOM: Le parti politique moderne pour le renouveau d'Haiti http://mopod.org.ht/

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